Opéra de Paris, Saison 2022/2023 : l’art comme antidote
Son prédécesseur Stéphane Lissner avait commandé des œuvres basées sur de grands textes de la littérature française, Alexander Neef souligne pour sa part la place des grandes œuvres de la littérature mondiale dans sa saison 2022/2023 (Roméo et Juliette, et Hamlet de Shakespeare, The Dante Projet, L'Arioste avec Ariodante, Salomé d'Oscar Wilde…) notamment confiées à des visions affûtées de metteurs en scène continuant de déployer leur univers in loco, et de metteuses en scène s’y présentant. La saison proposant 18 productions lyriques se divise presque en deux temps : une première partie centrée sur les reprises (certaines productions très récentes, d’autres bien plus anciennes et fréquemment à l’affiche), tandis que les nouveautés viennent surtout en seconde partie.
Gustavo Dudamel ouvrira cette nouvelle saison (sa deuxième en tant que Directeur musical) en dirigeant la Tosca de Puccini reprise à Bastille dans la version de Pierre Audi (inaugurée en 2014). Le rôle-titre sera confié à Saioa Hernández en septembre et à Elena Stikhina en octobre/novembre (celle-ci dirigée par Paolo Bortolameolli). Les Mario de Joseph Calleja et Brian Jagde seront face à trois Scarpia : Bryn Terfel, Gerald Finley et Roman Burdenko.
La Cenerentola de Rossini reviendra pendant ce mois de septembre à Garnier (dans la première mise en scène d'opéra de Guillaume Gallienne qu'il nous présentait en interview lors de sa création). Diego Matheuz débutera dans la maison, dirigeant Gaëlle Arquez dans le rôle-titre, Dmitry Korchak en Ramiro, Vito Priante en Dandini, Carlo Lepore en Don Magnifico et Luca Pisaroni en Alidoro.
Toujours en septembre, les reprises se poursuivront à Bastille avec La Flûte enchantée de Mozart par Robert Carsen dans un double casting (René Pape / Brindley Sherratt en Sarastro, Mauro Peter / Pavel Petrov en Tamino, Pretty Yende / Christiane Karg en Pamina, sous la direction d'Antonello Manacorda et Simone di Felice) complété comme durant le reste de la saison par des artistes et anciens artistes de l'Académie maison.
Speranza Scappucci, qui termine cette saison son mandat de Directrice musicale à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, fera ses débuts (retardés par la crise) dans la maison parisienne, par Les Capulet et les Montaigu de Bellini, également dans la mise en scène de Robert Carsen, avec Julie Fuchs (Giulietta), Marianne Crebassa (Roméo), Jean Teitgen (Capellio), Francesco Demuro (Tebaldo) et Krzysztof Baczyk (Lorenzo).
Robert Carsen signera toutefois une nouvelle production, plus tard dans la saison (en avril) : l’occasion de poursuivre “son exploration psychologique des protagonistes d’Orlando furioso” avec l’Ariodante de Haendel à Garnier dirigé par Harry Bicket (à la tête de The English Concert), incarné par Emily D’Angelo dans le rôle-titre, Olga Kulchynska en Ginevra, Christophe Dumaux en Polinesso (lui qui fera son retour après 10 ans d'absence à l'Opéra de Paris), Eric Ferring en Lurcanio, Tamara Banješević en Dalinda et Luca Pisaroni en Roi d'Ecosse.
Une nouvelle production viendra toutefois dès la mi-octobre : Salomé de Strauss par Lydia Steier (pour ses débuts dans la maison) à Bastille. Simone Young dirigera Elza van den Heever dans le rôle-titre, Zoran Todorovich et Karita Mattila (Herodes et Herodias), Iain Paterson (Jochanaan), Tansel Akzeybek (Narraboth) mais aussi Éric Huchet et Mathias Vidal.
Deux grands classiques reviendront ensuite : la Carmen de Bizet par Bieito habituée à rester de longues semaines à l’affiche de Bastille, sera dirigée de novembre à février (soient 15 représentations) par Fabien Gabel (pour ses débuts), et incarnée par Gaëlle Arquez puis Clémentine Margaine jetant une fleur à Michael Spyres puis Joseph Calleja, avec également Lucas Meachem / Étienne Dupuis pour toréer, ainsi que trois Micaëla : Golda Schultz, Adriana Gonzalez, Nicole Car (avec Andrea Cueva Molnar et Adèle Charvet en Frasquita et Mercédès).
Les Noces de Figaro (Mozart) revues et corrigées par Netia Jones pas plus tard qu’en janvier dernier reviendront à Garnier, inviter cette fois à la baguette le directeur de l’autre maison lyrique nationale de la capitale : Louis Langrée, Directeur de l’Opéra Comique. L’occasion d’entendre Gerald Finley et Miah Persson en Comte et Comtesse, Luca Pisaroni et Jeanine de Bique (Figaro et Susanna), le Cherubino de Rachel Frenkel (pour ses débuts), la Marcellina de Sophie Koch.
Anna Netrebko, dont les engagements sont en ce moment annulés en raison de la Guerre en Ukraine et d’un embargo sur des artistes russes, doit revenir à Bastille du 12 au 21 décembre pour chanter La Force du destin de Verdi dans la version mise en scène par Jean-Claude Auvray dans laquelle “Viva la Guerra” est remplacé par “Viva V.E.R.D.I.” La diva russe alternera avec Anna Pirozzi en Leonora, face à Ludovic Tézier (Don Carlo di Vargas), Russell Thomas (Don Alvaro pour ses débuts), Elena Maximova (Preziosilla), Ferruccio Furlanetto (Padre Guardiano), Nicola Alaimo (Fra Melitone) sous la conduite de Jader Bignamini.
Le mari d'Anna Netrebko, Yusif Eyvazov viendra le mois suivant dans la même salle pour Le Trouvère de Verdi version Alex Ollé (La Fura Dels Baus) dirigé par Carlo Rizzi (qui dirige actuellement Cendrillon) avec Anna Pirozzi (Leonora) et Judit Kutasi (Azucena) pour leurs débuts respectifs à Paris, Quinn Kelsey (Comte de Luna), Roberto Tagliavini (Ferrando) et Marie-Andrée Bouchard-Lesieur (Inès).
L'année 2023 s'ouvrira ainsi par deux autres reprises de grands chefs-d'œuvre à Bastille, Gustavo Dudamel dirigeant Tristan et Isolde de Wagner avec la création vidéo de Bill Viola (mise en scène Peter Sellars). Gwyn Hughes Jones incarnera Tristan tandis que Mary Elizabeth Williams (Isolde), Eric Owens (Roi Marke), Okka von der Damerau (Brangäne) et Ryan Speedo Green (Kurwenal) fêteront tous à cette occasion leurs débuts dans la maison capitale.
Peter Grimes de Britten dans la nouvelle production de Deborah Warner dont nous venons de rendre compte à Londres sera à Paris (Garnier) aussi incarné par Allan Clayton, qui fera ses débuts, tout comme Rosie Aldridge (Mrs. Sedley), Jacques Imbrailo (grand spécialiste de ce compositeur, en Ned Keene). Stephen Richardson (Hobson, lui qui chantait Swallow sur cette même scène en 2001) se tiendra aux côtés de Maria Bengtsson (Ellen) et de Simon Keenlyside (Balstrode), le tout dirigé par Joana Mallwitz (pour ses débuts in loco). Deborah Warner qui a déjà marqué la capitale française avec La Traviata au TCE fait aussi ses débuts à l’Opéra national de Paris.
Krzysztof Warlikowski revisitera Hamlet “ce personnage qui l’a fait connaître en France au théâtre, cette fois dans l’opéra d’Ambroise Thomas” avec son indissociable acolyte Małgorzata Szczęśniak. Le héros sera incarné par Ludovic Tézier, avec Lisette Oropesa et Brenda Rae en Ophélie, Jean Teitgen en Claudius, Julien Behr en Laërte, Ève-Maud Hubeaux en Gertrude, sous la baguette de Thomas Hengelbrock.
Formant là encore un duo d'œuvres romantiques se suivant à Bastille, Lucia di Lammermoor (Donizetti) reviendra, dans la mise en scène d’Andrei Serban ayant notamment révélé Pretty Yende en son temps. L’héroïne sera cette fois incarnée par Brenda Rae avec Javier Camarena (Edgardo), Quinn Kelsey (Enrico), Thomas Bettinger (Arturo pour son retour après 9 ans) conduits par le Directeur musical et artistique de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Aziz Shokhakimov qui fera là ses débuts.
Nixon in China de John Adams entrera au répertoire de la maison sous la baguette de Gustavo Dudamel, mis en scène à Bastille par Valentina Carrasco (pour ses débuts maison) avec Thomas Hampson (Richard Nixon), John Matthew Myers (Mao Zedong pour ses débuts en France), Joshua Bloom (Henry Kissinger, pour ses débuts in loco), Renée Fleming en Pat Nixon, Kathleen Kim (Chiang Ch’ing "l’Impératrice Rouge", après avoir été ovationnée il y a quelques jours en Fée dans Cendrillon) et Xiaomeng Zhang (le Premier ministre Zhou Enlai, lui aussi pour ses débuts).
La nouvelle production de l'Académie se rendra la saison prochaine également à l'Athénée (comme récemment pour Il Nerone) : il s’agira de La scala di seta (L’Échelle de soie) de Rossini avec des guides habitués du travail en compagnie de ces jeunes voix (le chef Jean-François Verdier et le metteur en scène Pascal Neyron).
Enfin deux grandes histoires d’amours, mais dans des visions très différentes. La Bohème de Puccini reviendra dans le vaisseau spatial conçu par Claus Guth. Michele Mariotti y dirigera Ailyn Pérez (Mimi), Slávka Zámečníková (Musetta) et Joshua Guerrero (Rodolfo) qui feront tout deux leurs débuts à l'Opéra de Paris, et Andrzej Filończyk (Marcello).
Thomas Jolly qui s’est fait connaître pour ses spectacles-fleuves avec les pièces de Shakespeare, se plongera cette fois dans l’opéra Roméo et Juliette de Gounod, revenant dans la maison de ses débuts opératiques (avec Eliogabalo de Cavalli) mais passant de Garnier à Bastille. Carlo Rizzi dirigera Benjamin Bernheim et Francesco Demuro en Roméo, Elsa Dreisig et Pretty Yende en Juliette, avec Lea Desandre / Marina Viotti (Stephano), Huw Montague Rendall / Florian Sempey (Mercutio), Laurent Naouri, Jean Teitgen, Jérôme Boutillier (Capulet, Frère Laurent, Duc de Vérone).
Gustavo Dudamel dirigera également l'Orchestre maison dans des tournées de concerts symphoniques (Philharmonie de Paris, Liceu de Barcelone, Victoria Hall de Genève, Musikverein de Vienne, Barbican de Londres) avant que la maison ne rende la politesse en accueillant les forces du Liceu pour Le Château de Barbe-Bleue de Bartok (avec Josep Pons, Iréne Theorin, Sir Bryn Terfel) reportée en raison du Covid. Gustavo Dudamel aura également une Carte blanche à Garnier avec les Académiciens, qui seront aussi dirigés par Nil Venditti pour un autre concert avec l'Orchestre maison au Palais Garnier.