
Synopsis
Carmen
Carmen est une bohémienne cigarière à Séville, vers 1820. Elle n'aspire qu'à la liberté et à l'indépendance et séduit Don José, un jeune brigadier déjà fiancé, et qui nourrit rapidement une passion leur sera fatale.
Le ROH en direct
Création de l'opéra
Peu après l'échec public de sa précédente production, Djamileh, Georges Bizet est commissionné par l'Opéra-Comique de Paris pour mettre en musique un opéra dont le livret doit être écrit par Henri Meilhac et Ludovic Halévy. La commande portait sur un opéra en trois actes, correspondant à la norme des œuvres jouées dans l'institution. Bizet impose pourtant un format plus conséquent, en quatre actes. L'opéra d'origine comprend toutefois des dialogues parlés, caractéristique des opéras-comiques.
Contrairement à l'usage d'alors, selon lequel les compositeurs travaillent sur des commandes dans lesquelles le livret est imposé, Bizet a pu imposer son sujet à ses commanditaires. Celui-ci fut d'ailleurs l'objet de nombreux débats entre le compositeur, les deux librettistes et les directeurs de l'Opéra-Comique (Adolphe Leuven et Camille du Locle). Il obtient également de remanier le livret pour mettre en avant certains termes qui lui tiennent à cœur (la liberté, par exemple). Il s'investit même dans la mise en scène lors des répétitions, pour que les mouvements scéniques soient en adéquation complète avec le réalisme du livret et la portée dramatique de la musique.
Georges Bizet est mort trois mois après la création de Carmen qui constitue ainsi sa dernière œuvre. Une évolution sensible peut être décelée dans l'élaboration des intrigues, des orchestrations et des harmonies au fil de ses compositions lyriques : Les Pêcheurs de perles (1863), Djamileh (1872) puis Carmen (1875)
La psychologie des personnages, qui évolue sensiblement au fil de l'œuvre, est ainsi bien plus aboutie dans Carmen que dans ses précédents ouvrages. La complexité musicale est également plus importante, notamment par la juxtaposition de lignes mélodiques. Son interprétation constitua d'ailleurs un défit pour ses premiers interprètes, tant sur scène que dans la fosse.
Le contexte historiqueDans le climat politique et social morose de la période suivant la défaite de la France dans la guerre contre la Prusse, suivie de la Commune au début des années 1870, l'Opéra-Comique a poursuivi son œuvre de création lyrique, à l'inverse d'autres théâtres, et ce malgré une situation financière instable. Son objectif était alors de donner des représentations pour un public familial en quête de divertissement et de légèreté.
Dans ce contexte, le caractère grave de l'opéra de Bizet crée des tensions qui aboutiront à la démission de l'un des directeurs de l'Opéra-Comique, Adolphe Leuven, indigné par le meurtre du personnage principal.
L'accueil du publicLors des premières représentations, Carmen connait un échec public. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'une œuvre de Bizet est mal reçue, son précédent ouvrage, Djamileh, ayant connu le même sort. La critique se focalise sur l'absence de morale et la violence de l'opéra, alors même que la salle Favart est, selon Leuven, le « théâtre des familles ».
Le public est choqué par l'indécence de l'héroïne mais également par le décalage entre le genre de l'opéra, un opéra-comique, et son contenu dramatique. Les critiques musicales dénoncent, elles, les ratés ayant émaillé l'exécution musicale et la mise en scène lors de la création ainsi qu'un langage chromatique peu accessible. Paradoxalement, l'opéra connaîtra un succès fulgurant dans toute l'Europe après la mort du compositeur, et sera revendiqué comme un modèle pour les compositeurs véristes, notamment de par son réalisme dramatique ainsi que l'intensité de la passion qui anime ses protagonistes.