La Morte d’Orfeo, le berceau de Talens Lyriques à Royaumont
La Morte d’Orfeo de Stefano Landi est le cinquième opéra de l'histoire basé sur le mythe fondateur d'Orphée, après les deux Euridice de Jacopo Peri et Caccini, L’Orfeo de Monteverdi et L’Orfeo dolente de Belli et Chiabrera. Tragicomédie pastorale en cinq actes, sur un livret de Landi lui-même, La Morte d’Orfeo est inspiré de La Favola d’Orfeo écrite par Angelo Poliziano en 1484. L'opus fut composé durant l’été 1619, alors que Stefano Landi séjournait à Padoue, dans l’entourage du cardinal Scipione Borghese.
Pour son dernier week-end de l'édition 2017, le Festival Royaumont offre donc l'occasion de découvrir un opus et de jeunes artistes. Les violons se congratulent du regard pour leurs tricotages, les trois harpes s'appliquent, les deux luthistes impassibles soutiennent l'harmonie. Le tout est porté par les deux jeunes organiste et claveciniste (elles s'échangent plusieurs fois leurs instruments) au regard aussi profond que leur attention pour les chanteurs dont elles articulent les paroles.
Christophe Rousset les dirige tout en martelant son clavecin, bondissant sur son siège au rythme de la musique, soutenant l'énergie et la pulsation de ses épaules toniques. D'enthousiasme et d'implication, il se relève et conduit l'ensemble par d'amples gestes parallèles.
Par un visage endolori, Marine Lafdal-Franc (incarnant Teti) annonce le danger qui menace Orfeo, prolongeant la belle nostalgie de cette musique. Quelques aigus surgissent tandis qu'elle tient en ses mains une invisible boule de cristal. Sebastian León (Fato, le Destin) monte au rostrum de pierre pour répandre sa voix dans le réfectoire. Contrastant en Fileno, il mène son talent vers les douceurs d'un chant allégé.
Anicet Castel (Ebro, le fleuve qui borde l'intrigue, puis Furore) sait garder la voix posée dans ses emportements expressifs engorgés et pourtant assez agiles, mais sans toujours conserver la justesse. Lucy Page (Aurora) a un médium voilé d'émotion qui mène à l'aigu rayonnant.
Le chœur des trois vents (Myriam Arbouz, Lena Spohn et Marine Lafdal-Franc) ne manque pas de souffle mais l'agilité de cette bise tourbillonnante écrite avec génie et virtuosité n'est pas encore rendue. C'est tout l'inverse sur les chœurs des bergers tutti (avec les 12 hommes et femmes).
C'est un Orfeo radieux et le menton levé qui invite les étoiles à se réjouir pour son anniversaire. La partie très exposée du héros provoque une inquiétude compréhensible et audible sur la jeune voix d'Olivier Bergeron face à un public nombreux. Mais si les ornements sont encore emplis de défauts, le personnage d'Orphée est incarné et la voix se fait merveille lorsqu'elle s'allège.
Tout à l'inverse, Mercure et Bacchus par Maxime Melnik est la voix la plus sombre, éclatant dans le réfectoire avec une grande intensité d'harmoniques faciales. Son comparse ténor Marco Angioloni (Apollon, le père d’Orphée) suit son sillon en volume et en intensité d'incarnation. Claire Bournez (Nisa, femme de Bacchus) déploie un long souffle intense avec le naturel de la parole.
Myriam Arbouz (Calliope, mère d’Orphée) donne son léger appui guttural et ses hoquets expressifs à l'une des plus belles berceuses d'espoir éploré qui soient. L'Acte IV appartient à son dialogue avec Orfeo, toujours aussi radieux lorsqu'il n'est plus qu'une ombre trépassée face au Charon tonnant et tempêtant de Matthieu Heim.
Ayant bu le calice du long oubli, l'Euridice de Lena Spohn se rit de l'amour d'Orphée avec la voix pleine de drame. Une jeune artiste, mais confirmée. Aussi assurée qu'Iosu Yeregui, Jupiter au sommet de la chaire ou berger dansant le flamenco, claquant des doigts et des talons parmi les musiciens. La ligne enchaîne les notes avec la fluidité du registre grave. Le chœur final réunit dieux et bergers pour chanter la Gloire éternelle d'Orphée, heureux demi-Dieu qui par la valeur de son chant reçoit du Ciel un manteau étoilé.
Découvrez cette œuvre dans une interprétation de l'Ensemble Tragicomedia dirigé par Stephen Stubbs :