Aviel Cahn présente la saison 2021/2022 du Grand Théâtre de Genève
Aviel Cahn, vous sortez d’une nouvelle saison très perturbée par la crise sanitaire : comment l’avez-vous vécue ?
Cette saison a bien sûr été très dure, comme pour tout le monde, pour moi comme pour les collaborateurs du Théâtre, parce qu’il aura fallu constamment se réinventer. En Suisse, nous avons pu quasiment travailler toute la saison, mais nous ne pouvions plus avoir de public dans les salles à partir de la fin octobre et jusqu’à aujourd’hui où nous pouvons accueillir une cinquantaine ou une centaine de spectateurs. Les annonces ayant toujours été très court-termistes, nous ne savions pas ce que nous pourrions faire deux semaines plus tard : cela s’est révélé très stressant. Il a fallu modifier constamment le planning. Nous avons filmé beaucoup de spectacles et proposé beaucoup de productions inédites, y compris avec nos jeunes chanteurs : la salle s’est transformée cette saison en studio de télévision. Nous finissons finalement cette saison plus épuisés que si nous avions joué tous les spectacles normalement.
Reporterez-vous à des saisons ultérieures les productions captées qui n’ont pas pu être vues en salle par le public ?
Oui, nous les reprogrammerons : La Clémence de Titus et Didon et Enée sont des spectacles qui ont besoin du public, ils sont faits pour le public.
Cette année particulière a été l’occasion de proposer de nouvelles choses, comme des captations d'œuvres où l’orchestre était enregistré comme cela a été le cas pour L’Affaire Makropoulos : qu’en avez-vous appris ?
Nous avons réfléchi à toutes les solutions. Personne ne veut d’un orchestre enregistré : nous avons répondu avec ce moyen aux besoins particuliers de cette production de L’Affaire Makropoulos. Idéalement, nous pencherions plutôt pour un modèle zurichois avec un orchestre jouant en direct à distance, et retransmis dans la salle. C’est d’ailleurs une solution à laquelle nous avons pensé pour Parsifal ou Traviata, mais nous avons finalement été contraints d’annuler ces productions. Tout ce que nous pouvons retenir de ces essais est que nous disposons de plans B pour le cas où nous devrions faire face à de nouvelles restrictions, mais nous espérons que ce ne sera pas le cas la saison prochaine.
Le thème de la saison prochaine est “Faites l’amour…” : que voulez-vous faire passer comme idée avec ce thème ?
Ce thème peut se lire sur plusieurs niveaux. La première lecture du thème est politique : Genève a par exemple accueilli il y a peu Vladimir Poutine et Joe Biden. Notre ville a cette vocation politique d’une recherche de compromis. Nous vivons une période avec de nombreux conflits militaires : il faudrait se souvenir de ce slogan des années 60. Ce thème fait également allusion à notre temps : avec cette pandémie, le contact humain et affectueux est devenu difficile. Enfin, ce thème fait appel à l’imagination du spectateur : nous sollicitons son intellect, sa fantaisie, et ne lui servons pas des réponses toutes faites. C’est le sens des points de suspension : chacun peut compléter la phrase comme il le souhaite.
Cette saison, faites l'amour... Découvrez dès à présent en vidéo les opéras, ballets et récitals qui composent notre saison 21-22 sur https://t.co/zAuAQrPHIZ ! Quel spectacle attendez-vous le plus impatiemment ? #WeArtGTG pic.twitter.com/3Ry1EB5dIK
— Grand Théâtre de Genève (@GrandTheatreGE) 3 juin 2021
Vous ouvrez la saison par Guerre et Paix, œuvre colossale avec 80 personnages : pourquoi ce choix ?
Ce choix a été fait bien avant la pandémie, mais on peut dire que notre courage a été de le maintenir. On se dit que si l’on n’est pas capable de jouer une œuvre comme Guerre et Paix en septembre prochain, alors on ne sera peut-être plus jamais capables de la jouer. La vaccination est présentée comme la seule solution : si elle ne fonctionne pas, si avec les vaccins diffusés en Suisse à tous ceux qui le veulent il n’est toujours pas possible de desserrer les contraintes sanitaires qui peuvent nous empêcher de jouer cette œuvre, alors il faudra sérieusement repenser notre monde et notre métier.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de présenter cette œuvre ?
J’ai voulu initier un cycle russe avec Calixto Bieito, et le débuter par une œuvre que j’adore et que peu de maisons peuvent monter. C’est d’ailleurs un opus qui n’a jamais été donné en Suisse. Pour monter une œuvre de cette envergure (ou Saint-François d’Assise que nous devions jouer la saison dernière), il faut beaucoup d’espace. S’il y a une maison qui en a la capacité en Suisse, c’est bien le Grand Théâtre de Genève. Par ailleurs, nous aimons présenter des œuvres peu connues.
Pourquoi avoir confié un cycle russe à Calixto Bieito ?
Calixto est un excellent metteur en scène pour les opéras où il y a d’imposantes masses artistiques à diriger car il aime beaucoup diriger les chœurs. Il a également prouvé qu’il pouvait diriger des œuvres russes, avec un regard politique et sociétal. J’avais produit avec lui un Lady Macbeth de Mzensk à Anvers, qui a été un grand succès, et qu’on va reprendre dans ce cycle à Genève. Il avait fait un Boris Godounov exceptionnel à Munich : c’est un metteur en scène qui se prête tout à fait à ce répertoire.
L’effectif est pléthorique, mais pouvez-vous malgré tout citer quelques chanteurs ?
Dmitry Ulyanov incarnera le général Koutouzov : c’est la basse russe par excellence. Nous aurons aussi Björn Bürger en Prince André : une voix de baryton allemand idéale pour ce rôle. Ce qui m’a intéressé, ça a été de réunir une distribution mixte avec des russes et des voix européennes.
Juste avant, il y aura en septembre à la salle du Lignon, Aventures et Nouvelles Aventures de Ligeti. En quoi consiste ce projet ?
Ce concert s’inscrit dans le projet La Plage, qui nous permet de faire des spectacles plus intimes et dans de petits lieux. Dans la même idée, Opera Labs est un collectif de jeunes artistes pluridisciplinaires. Aventures et Nouvelles Aventures est un opéra de Ligeti pour enfant : c’est très important pour renouveler le public, de changer les habitudes de nos spectateurs et la vision des citoyens vis-à-vis du Grand Théâtre. Nous aurons plusieurs projets de ce type au cours de la saison.
Viendra ensuite, rapidement derrière, Le Couronnement de Poppée de Monteverdi : pourquoi cet enchaînement ?
Cet opéra s’inscrit dans notre collaboration avec Ivan Fischer et le Budapest Festival. Ils étaient déjà venus avec L’Orfeo. Cette fois, nous nous intéresserons à la guerre du pouvoir politique dans la Rome antique. Ivan Fischer va transposer l’opéra dans un contexte contemporain de gouvernants décadents. L’idée de cet enchaînement est de proposer un contraste, une confrontation, entre un Prokofiev et un Monteverdi. De la même manière, Atys de Lully, représentant le tout début de l’opéra, précédera une création mondiale. Ces oppositions permettent de porter un regard sur l’histoire de l’art lyrique, de la comprendre.
Fin octobre, vous présenterez Anna Bolena de Donizetti, mis en scène par Mariame Clément pour ses débuts à Genève : à quoi ressemblera cette production ?
Mariame est connue pour ses signatures fidèles aux œuvres, mais avec un esprit très frais qui les rend plus contemporaines. Il en sera ainsi de sa trilogie Tudor que cet opus initie : à la fois esthétique, avec des mélanges de différents temps à travers les costumes, et à la fois des allusions historiques et des personnages modernes dans leur comportement. Ce sera inter-temporel tout en laissant de la place pour l’esthétique du belcanto et à la poésie que contient l’œuvre. Sa vision portera l’émotion sans négliger l’arrière-fond politique du livret.
Pourquoi avoir choisi Stefano Montanari, très actif sur un répertoire plus ancien, pour diriger ce projet ?
C’est un chef d’orchestre qui a une sensibilité pour le répertoire belcanto : il ne va pas diriger un Rossini ou un Donizetti, comme un Haendel ou un Vivaldi, comme le font d’autres chefs du baroque. Il a l’énergie et la créativité qu’il faut pour ce répertoire, comme l’avait Alberto Zedda avec qui j’ai beaucoup travaillé et qui était capable de faire vivre ce répertoire.
Ce sera l’occasion de prises de rôle pour Elsa Dreisig (Bolena) et Stéphanie d’Oustrac (Seymour) : qu’apporteront-elles ?
La trilogie des Tudor [qui comprend également Maria Stuarda et Roberto Devereux, ndlr], se poursuivra sur les saisons suivantes, avec la même équipe : Mariame Clément, Stefano Montanari et le plateau vocal. Je voulais des voix fraîches pour accompagner la vision fraîche de Mariame. Je ne voulais pas d’artistes qu’on aurait déjà vu dans ce répertoire. C’est aussi une manière de participer au développement des chanteurs. Elsa Dreisig a déjà chanté Les Puritains à Paris, mais cela restera une découverte dans ce répertoire. De même, Stéphanie d’Oustrac n’est pas belcantiste. Ce sera donc un pas très important dans la carrière de deux chanteuses majeures de notre temps, qui intéressera les mélomanes. Par ailleurs, ce sont deux personnalités scéniques vraiment intéressantes. L’idée de ce duo m’est venue en les voyant dans la Carmen de Tcherniakov à Aix-en-Provence il y a quelques années. Ce sont deux caractères très différents, et je pense que c’est une rencontre qui peut très bien fonctionner.
La production suivante sera Les Pêcheurs de perles, qui n’avaient pas été joués à Genève depuis 1911 : comment expliquez-vous une si longue absence ?
Cette œuvre est toujours un défi à mettre en scène, c’est pourquoi nous avons choisi de reprendre la production déjà très connue de Lotte de Beer, et dont on sait qu’elle fonctionne bien. C’est une bonne production pour la fin d’année. C’est une œuvre plus légère qui vient contrebalancer les œuvres plus pesantes qui l’entourent dans la saison.
Pourquoi avoir choisi David Reiland pour diriger ?
J’ai déjà travaillé avec lui à l’Opéra de Flandre, et il était fantastique. C’est un chef avec une grande sensibilité, et je suis heureux qu’on le découvre ici à Genève, avec l’Orchestre de la Suisse Romande, spécialement dans ce répertoire.
Qui avez-vous choisi pour chanter cet opus ?
Ce sont trois chanteurs dont les carrières sont déjà bien installées. Audun Iversen a déjà prouvé qu’il pouvait très bien chanter en français, notamment à Paris [il incarnait Fieramosca dans Benvenuto Cellini à Bastille en 2018, ndlr]. Frédéric Antoun vient pour la première fois à Genève mais c’est à mon avis le ténor français idéal pour ce rôle. Quant à Kristina Mkhitaryan, elle est déjà bien connue du public genevois.
C’est donc une œuvre plus lourde et pesante qui suit dans votre programmation, avec Elektra de Strauss : pourquoi l’avoir choisie ?
Je n’avais pas encore présenté de Strauss depuis mon arrivée : il était temps de commencer. C’est une œuvre qui a toujours été très importante au Théâtre de Genève, et qui s’inscrit bien dans le contexte de cette saison. L'œuvre sera dirigée par Jonathan Nott, le Chef principal de l’Orchestre de la Suisse Romande, qui est parfait dans le répertoire allemand : on aurait d’ailleurs dû faire Parsifal cette saison. La grande découverte de cette production sera le metteur en scène et scénographe Ulrich Rasche, qui a une esthétique très forte. Il est peu connu dans le monde français, mais c’est une vedette dans le monde du théâtre en Allemagne, grâce à des scénographies avec des machines incroyables qui prennent toute la scène. L’être humain fait corps avec cette machine, à laquelle il n’échappe pas, car la machine le domine. Symboliquement, son style fonctionnera bien sur la tragédie d’Elektra.
Comment avez-vous construit le trio féminin principal ?
Nous avions besoin d’actrices très affutées physiquement pour travailler avec Ulrich Rasche, ce qu’elles sont toutes les trois. Chacune dans son répertoire est devenue une référence. Ingela Brimberg est très forte sur scène, et sa voix a grandi vers ce répertoire. Tanja Ariane Baumgartner est l’une des grandes Clytemnestre de notre temps. Quant à Sara Jakubiak, j’avais beaucoup aimé son travail sur Le Miracle d’Héliane à Berlin mis en scène par Christof Loy, avec qui elle a également fait Francesca da Rimini : elle a montré dans ces deux productions le caractère fort que je cherche et qui apportera un contrepoids intéressant au personnage d’Elektra. Ce sera sa première venue à Genève.
Comme cette saison avec Damien Jalet et Sidi Larbi Cherkaoui, vous construirez un pont entre opéra et ballet en invitant Angelin Preljocaj à diriger Atys de Lully : ce lien avec le ballet est-il important ?
Je trouve, oui. Il faut de ces échanges dans une maison comme celle de Genève, qui possède un ballet, idéalement avec des productions qu’on fait vraiment ensemble. Nous avions déjà présenté Les Indes galantes en décembre 2019 : nous sommes dans la continuation logique de cette production, cette fois avec l’un des plus grands chorégraphes du monde francophone, qui se confrontera pour la première fois au monde de l’opéra. Il donnera une version fraîche d’Atys, accompagné de Leonardo Garcia Alarcon avec qui on collabore depuis longtemps à Genève. Il montre ici un grand courage de reproposer après William Christie cette œuvre admirable.
Qui seront les chanteurs de cette production ?
Matthew Newlin, qui chantera le rôle-titre, est un chanteur très installé dans le répertoire baroque, avec une voix qui a une certaine puissance. C’est un bon acteur, ce qui est important quand on travaille avec un chorégraphe. C’est un virtuose qui chante parfois du répertoire plus lyrique. Il se prêtera très bien au rôle. Giuseppina Bridelli chante avec un très bon français. C’est l’une des nouvelles stars du répertoire baroque, qui vit en France. La portugaise Ana Quintans dispose d’une voix baroque par excellence. Je me souviens des Indes Galantes à Munich où elle était formidable. La distribution est peu francophone, mais ce sont des artistes qui ont déjà prouvé qu’ils étaient très bons dans ce répertoire.
Après Atys, vous donnerez une création de Peter Eötvös : de quoi s’agira-t-il ?
Cela faisait quelques années que Peter Eötvös n’avait plus présenté de nouvelle création, nous sommes donc très heureux d’avoir co-commissionné cette création de Sleepless et de la présenter avec l’Opéra d’État de Berlin. C’est une œuvre qui évoque un compositeur d’un certain âge qui se confronte à la jeunesse. L’œuvre se base sur la littérature de Jon Fosse qui est l’un des plus grands écrivains scandinaves actuels. Elle traite d’un jeune couple qui souhaite changer de vie, pour vivre à la Bonnie and Clyde. Cela parlera également à un public plus jeune : nous espérons leur faire découvrir l’opéra contemporain. Eötvös va diriger lui-même son œuvre, tandis que Kornél Mundruczó, un autre hongrois d’envergure, grand metteur en scène de film, de théâtre et d’opéra, se chargera de la mise en scène de l’œuvre. Ça promet d’être un projet passionnant.
Avant cela, en janvier, vous présenterez une autre œuvre de Peter Eötvös, Le Dragon d’Or : dans quel cadre cette œuvre est-elle donnée ?
Ce sera présenté à la Comédie de Genève en collaboration avec le Nouvel Opera de Fribourg, une petite compagnie que je suis heureux de soutenir, dans le cadre d’une sorte de festival Eötvös. En plus des deux œuvres déjà citées, Eötvös donnera un concert symphonique avec l’Orchestre de la Suisse Romande. Nous donnons ainsi l’opportunité au public genevois d’explorer l’univers de ce grand compositeur.
Vous avez initié en début de saison avec L’Affaire Makropoulos un cycle Janacek qui se poursuit cette saison avec Jenufa. Y a-t-il un sens à trouver avec l’ordre dans lequel vous présentez les ouvrages ?
Le sens se trouve dans le contexte et dans les thématiques des saisons. Nous travaillons également sur les connaissances du public. L’Affaire Makropoulos était donné pour la première fois à Genève : après une découverte, nous revenons en terrain connu avec Jenufa. Il s’agira de la première venue de la metteuse en scène Tatjana Gürbaca à Genève et même dans un opéra du monde francophone.
Comment décririez-vous sa patte artistique ?
Tatjana Gürbaca a une vision très analytique, mais très féminine et très humaine du répertoire. Elle utilise par exemple souvent des enfants dans ses productions. C’est important d’avoir le regard d’une femme sur le conflit de Jenufa. Elle travaille beaucoup la direction d’acteurs. Même si elle le fait à sa façon, elle raconte vraiment l’histoire des opéras qu’elle présente. C’est souvent dans un univers plus abstrait que concret, d’autant qu’elle est assistée par le designer Henrik Ahr. C’est un duo à succès qui a réalisé sa première collaboration à l’Opéra de Flandre en 2013 avec un Parsifal qui avait remporté de nombreux prix. J’ai beaucoup travaillé avec eux et leur univers fonctionnera très bien dans Janacek.
Qui seront les interprètes ?
Nous aurons une super distribution, notamment Evelyn Herlitzius qui a déjà montré son excellence dans son rôle. Corinne Winters viendra en contrepoint, avec une voix d’abord très fragile mais qui grandit, devenant de plus en plus lyrique au fil de l'œuvre. Il y aura aussi Misha Didyk en Laca : ce sont de vraies personnalités scéniques et des voix idéales pour ces rôles. La baguette sera tenue par un spécialiste de ce répertoire, Tomáš Hanus qui succède donc dans notre cycle à Tomáš Netopil qui avait dirigé L’Affaire Makropoulos : deux grands chefs tchèques de notre époque, qui ont chacun leur personnalité artistique.
Après Jenufa, vous sauvez Turandot qui devait avoir lieu en 2019/2020 dans la mise en scène de Daniel Kramer. À quoi va ressembler cette production ?
Ce sera une production digne des plus grandes arènes, stupéfiante visuellement car on travaille ici avec teamLab, un collectif japonais de designers lumière et vidéo. Ils ont conçu un jeu entre des lasers, les animations, les acteurs et le décor, qui va être au sommet de ce que l’on peut faire dans ce style aujourd’hui. Daniel Kramer aime travailler avec des artistes de ce type, comme il l’avait fait pour Tristan et Isolde avec Anish Kapoor ou pour le War Requiem à l’English National Opera. Cette production de Turandot va raconter l'histoire de l’œuvre sans réinvention, mais avec des moyens visuels dignes des grands évènements de la musique pop. Une proposition rarement vue sur une scène d’art lyrique.
Il s’agira de la seconde venue d’Ingela Brimberg cette saison : que peut-elle apporter de différent dans Puccini par rapport à ce qu’elle fera dans Strauss ?
En effet, elle sera exceptionnellement présente deux fois la saison prochaine parce que Turandot était initialement prévu la saison dernière et qu’il s’agit d’un report avec la même équipe. C’est une actrice très intense, avec une forte personnalité, que l'on ne trouve pas toujours dans ce répertoire qui privilégie souvent les voix. Elle dispose bien entendu d’une voix qui m'intéresse dans ce répertoire, mais elle apportera aussi beaucoup théâtralement.
Elle sera accompagnée par Teodor Ilincai et Olga Busuioc, comment les présenteriez-vous à ceux qui ne les connaîtraient pas ?
Teodor Ilincai est un ténor avec un très beau timbre. Il a débuté dans le répertoire plutôt lyrique et y a grandi. Il n'y a pas beaucoup de Calaf aujourd'hui : nous pensons en avoir trouvé un bon. Olga Busuioc est une jeune soprano qui a déjà fait forte impression bien qu’elle soit encore en début de carrière. Elle possède une voix fraîche et un lyrisme certain. Il s’agira de ses débuts à Genève.
Que proposerez-vous dans votre saison de récitals ?
C’est une particulièrement belle saison de récitals car elle est enrichie de reports de la saison dernière, en particulier Ian Bostridge et Stéphane Degout, ainsi que Pretty Yende qui n’avait pu se produire que devant 50 personnes. Je suis très heureux d’inviter Asmik Grigorian pour sa toute première tournée de récitals, mais aussi Anita Rachvelishvili.
Cette saison rend hommage à l’art slave, qui était resté un peu de côté ces deux dernières saisons, avec deux opéras (Jenufa, Guerre et Paix), un ballet (Casse-Noisette) et deux grandes artistes d’Europe de l’Est en récital.
Au rang des découvertes figure le projet Homo Deus Frankenstein pour le jeune public : à quoi faut-il s’attendre ?
Ce programme se tiendra dans un théâtre pour enfants de Genève. L’idée est de parler au jeune public, de sortir des murs, de proposer des projets inattendus, à l’image des productions de La Plage.
Quelles seront vos autres actions envers le jeune public, le public éloigné ?
Nous proposons beaucoup d’événements décontractés et conviviaux : des fêtes que l’on appelle Late night, un sleepover qui permet de venir dormir au Théâtre à l’image des Night at the Museum et bien d’autres. Ce sont des événements pour dynamiser la vie du Théâtre, qu’il reste un lieu de rencontres, et faire vivre le lieu au-delà des soirées d’opéra.
Aucun des metteurs en scène présents la saison dernière ne revient de nouveau en 2021/2022 : s’agit-il d’une volonté de faire découvrir de nouveaux visages ?
Oui et non. Nous développons des cycles sur plusieurs saisons, dont certains ne commencent que maintenant : Mariame Clément reviendra, tout comme Tatjana Gürbaca ou Calixto Bieito. D’autres metteurs en scène sont des signatures particulières que je souhaitais faire découvrir mais qui n’ont pas vocation à revenir chaque saison (bien qu’ils puissent revenir dans quelques années). Ulrich Rasche, par exemple, ne fait normalement que du théâtre : il ne va pas devenir metteur en scène d’opéra. Il en va de même pour Peeping Tom ou Angelin Preljocaj. C’est à la fois exigeant et compliqué de travailler avec ce genre d'artistes, mais en même temps, cela injecte de la créativité dans notre métier.
Vous insistiez l’an dernier sur l'importance d’inviter les principaux chanteurs suisses. Ce n’est pas le cas cette année : pourquoi ?
En effet, c’est un peu moins le cas que la saison dernière où nous avons reçu Rachel Harnisch, Bernard Richter, Marie-Claude Chappuis, Eve-Maud Hubeaux. C’est très lié au répertoire présenté : nous n’avions pas les bons projets, mais nous retravaillerons avec certains de ces artistes dans les prochaines années. La Suisse est un pays avec des chanteurs magnifiques, mais pas si nombreux, et nous n’avons pas de grande Elektra, de grande Turandot ou de grands Calaf.