
Synopsis
Les Pêcheurs de perles
Zurga et Nadir se sont jurés une amitié éternelle, que leur amour pour la même femme, Leïla, menace. Pour préserver ce lien, ils décident d'y renoncer tous les deux. Mais le destin la replace sur leur chemin.
Dijon 2023/2024
Création de l'opéra
Les pêcheurs de perles est un opéra en trois actes du compositeur français Georges Bizet (1838-1875) sur un livret d'Eugène Cormon (de son vrai nom Pierre-Etienne Piestre, 1810-1903) et de Michel Carré (1821-1872). Écrite en 1863 par un tout jeune compositeur alors seulement âgé de vingt-cinq ans, cette œuvre dénote déjà de la grande maîtrise musicodramaturgique de son auteur à qui l'on pardonne quelques défauts de jeunesse tant dans la conception que dans la réalisation stylistique qui manque encore, à certains endroits, de singularité.
De nos jours, la production de ce compositeur (notamment Les pêcheurs de perles et bien sûr Carmen) est particulièrement mise en avant dans les maisons d'opéra. Pourtant, la carrière de Bizet et son opéra Les pêcheurs de perles ont faillit ne pas voir le jour. En effet, durant la seconde moitié du XIXe siècle, il est devenu très compliqué pour les jeunes compositeurs d'opéra de s'imposer sur les scènes parisiennes. Les directeurs d'opéra préfèrent monter des œuvres sûres comme les grands opéras historiques de compositeur comme Meyerbeer ou encore les opéras de Verdi.
Pourtant Bizet a mis toutes les chances de son côté : il s'est plié au rite de passage du Prix de Rome qu'il gagne en 1857 avec sa cantate Clovis et Clothilde. De plus, il a déjà prouvé sa valeur en tant que compositeur scénique avec son opérette Docteur Miracle (1856) écrite à l'occasion d'un concours organisé par Jacques Offenbach et qui avait précisément pour but la promotion de jeunes auteurs français. Mais rien n'y fait.
Puis en avril 1863, par l'entremise des deux auteurs qui deviendront les librettistes de son opéra Les pêcheurs de perles, Bizet rencontre le directeur du Théâtre Lyrique de Paris Léon Carvalho qui lui propose la composition d'un opéra sur un livret de Cormon et Carré. La démarche de Carvalho est entre autres motivée par une rente annuelle donnée par l'ancien ministre des Beaux-Arts, le Comte Walewski, pour financer chaque année la création du premier opéra d'un lauréat du Prix de Rome.
Bizet accepte avec entrain, d'autant plus que les productions de Carvalho sont connues pour être grandioses. Le contrat signé, il s'empare du livret et commence la composition de son opéra. Pressé par le temps (l'opéra devait être monté en septembre de cette même année), Bizet décide de réutiliser des musiques préexistantes dans son opéra Ivan IV (prélude et la mélodie du duo des amants de l'acte III « Ô lumière sainte"), dans son Te Deum (choeur « Brahma, divin Brahma »), dans sa cantate Clovis et Clothilde (air de Leïla « Ô courageuse enfant »), ainsi que dans son opéra-bouffe Don Procopio (choeur « Ah chante, chante encore »).
Une fois la partition livrée, Bizet continue à la modifier tout au long du processus de création y compris pendant les répétitions au cours desquelles il rajoute notamment le chœur « L'ombre descend » et modifie la forme de son opéra. En effet, Bizet l'a conçu au départ comme un opéra comique (donc avec des dialogues parlés) et l'a transformé ensuite en opéra avec récitatifs chantés.
L'opéra est créé le 30 septembre 1863 au Théâtre Lyrique de Paris dans une production aux décors incroyables et avec des chanteurs d'une très grande qualité. Le soir de la première, l'œuvre est bien accueillie du public, mais les critiques méprisantes et hostiles durant les jours suivants entraînent sa disgrâce. Après seulement dix-huit représentations, Les Pêcheurs de perles sort du répertoire de cette scène et ne sera plus jamais remontée en France du vivant du compositeur.
À partir de l'année 1886, l’œuvre est reprise régulièrement partout en Europe et aux États-Unis. C'est la Scala de Milan qui ouvre le bal le 20 mars de cette année-là. Elle réapparaît en France dans une nouvelle version à l'Opéra Comique le 21 avril 1893. En effet, le succès de Carmen conjugué à la mort soudaine du compositeur en 1875 seulement trois mois après la première a laissé le public sur sa faim. C'est pourquoi Carvalho (devenu entre-temps directeur de l'Opéra-Comique) décide de reprendre cette œuvre de jeunesse en la faisant préalablement remanier.
Ainsi, pendant longtemps ont cohabité plusieurs versions qui n'étaient pas du compositeur : celles plutôt fidèles au déroulement originel, mais où la psychologie des personnages est renforcée, et celles dont l'action a été profondément remaniée jusque dans ses péripéties principales (par exemple en faisant mourir Zurga).
La partition autographe étant perdue, cette tradition de jouer les nouvelles versions perdure jusqu'en 1970, date à laquelle un effort de reconstruction de l'œuvre originelle est entrepris par des interprètes à l'aide de musicologues. Au début des années 2000, la découverte d'une partition pour piano de cette œuvre annotée de la main de Bizet permet de reconstituer l'orchestration des parties modifiées (ou manquantes). De nos jours, c'est plutôt cette dernière version mise au point par Brad Cohen qui est jouée.
A l'époque de la création, ce qui a au départ déchaîné les critiques n'est pas tant la musique de Bizet que le livret de son opéra. En effet, ce dernier est unanimement jugé trop faible notamment à cause de ses personnages stéréotypés qui n'ont aucune profondeur. La presse (bientôt rejointe par le public) critique le manque d'imagination dramatique des auteurs et les nombreuses imperfections des actions.
Au-delà d'un manque évident d'attention et d'intérêt de la part de Cormon et de Carré, le livret de cette œuvre a souffert de nombreux remaniements qui ont contribué à l'affaiblissement de son histoire. Au départ, les librettistes décident de s'appuyer sur une œuvre d'Octave Sachot parue juste avant la commande du Théâtre Lyrique et intitulée L'île de Ceylan et ses curiosités naturelles. En premier lieu, ils déplacent l'action initialement au Mexique sur une île asiatique et suppriment trois personnages. Puis, pour rendre leur livret plus opératique et plus captivant, ils s'inspirent du célèbre opéra de Spontini La Vestale pour la trame de leur second acte.
À leurs ajustements s'ajoutent les modifications voulues à la fois par Bizet pour des raisons musicales et par Carvalho pour des raisons esthétiques. Toutes ces transformations ont pour résultat la confection d'un livret dramaturgiquement faible et extrêmement compliqué à rendre intéressant par le compositeur. Mais cela n'a pas empêché ce dernier d'écrire de magnifiques passages aux qualités musicales indéniables.