Le metteur en scène russe Dmitri Tcherniakov naît le 11 mai 1970 à Moscou. Son premier contact avec l’opéra a lieu lorsqu’il assiste à une représentation d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski en 1982, lors d’une tournée de la compagnie du Théâtre Mariinsky. Il suit des études de mise en scène à l’Académie russe des arts du théâtre, dont il sort en 1993. Il fait ses débuts au Théâtre d’art dramatique russe de Lituanie à Vilnius la même année.

Sa première mise en scène lyrique a lieu à l’Opéra de Novossibirsk en Sibérie en 1998, avec une création, le Jeune David de Vladimir Kobékine. Il gagne en notoriété dans son pays en 2000 avec sa mise en scène de La Légende de la Ville Invisible de Kitège et de la Demoiselle Févronia, œuvre de Rimsky-Korsakov devenue un standard du répertoire en Russie. Dans sa vision de l’œuvre, la ville invisible éponyme est une hallucination de Févronia : cette évacuation de la dimension surnaturelle de l’œuvre au profit d’une relecture plus psychologique devient une constante de son travail. Il produit ensuite un Rake’s Progress de Stravinsky au Bolchoï de Moscou en 2002.

En dehors de Russie, il est révélé par sa mise en scène de Boris Godounov de Moussorgski en 2005 à Berlin. Il réalise d’autres mises en scène en Allemagne, notamment La Khovanchtchina de Moussorgski à l’Opéra d’Etat de Bavière en 2007 et Le Joueur de Prokofiev à Berlin, production qui est reprise à La La Scala la même année. Il devient rapidement l’un des metteurs en scène les plus en vue en Europe, aussi bien pour ses réinventions de standards du répertoire que pour sa mise en avant des grands classiques russes, dont nombres restent rares à l’Ouest. Le public français le découvre avec son Eugène Onéguine (Tchaïkovski) au Palais Garnier en 2008, reprise d’une production pour le Mariinski deux ans auparavant. Il remporte un triomphe avec sa mise en scène extrêmement méticuleuse, car il pense le moindre geste de chaque personnage et conçoit lui-même ses décors. Il n’hésite pas cependant à prendre quelques libertés avec l’original. Ainsi, le fameux air de Triquet est chanté par un Lensky éméché. Il retourne à l’Opéra de Paris l’année suivante avec Macbeth de Verdi.

Les mises en scène de Dmitri Tcherniakov provoquent régulièrement des controverses. Sa vision des Dialogues des Carmélites de Poulenc donnée à Munich en 2011 fait échapper les bonnes sœurs au couperet des révolutionnaires. Son Trouvère de Verdi à La Monnaie en 2012 resserre la distribution aux seuls quatre personnages principaux (hormis Ferrando), qui tentent de se remémorer les événements a posteriori. Même relecture intimiste pour son Don Giovanni (Mozart) au Bolshoï la même année, qui fait scandale lors de sa reprise en 2013 au Festival d’Aix-en-Provence : il fait de tous les personnages hormis le rôle-titre les membres d’une seule famille, liés contre le protagoniste.

Son succès est tel que Peter Gelb, le nouveau manager du Met, le choisit parmi les figures iconoclastes qu’il invite pour rompre avec l’image très traditionaliste de la maison. Il y livre en 2014 un Prince Igor, qui remporte un franc succès. Parmi ses mises en scène récentes figurent un Parsifal (Wagner) à Berlin, dirigé par Barenboim, qui désenchante totalement le mysticisme wagnérien en faisant de la quête du Graal une secte. En 2016, il innove en associant dans une même production, comme lors de leur création, l'opéra Iolanta et le ballet Casse-Noisette de Tchaïkovski. Cette même année, il met en scène Pelléas et Mélisande de Debussy à Zurich. L'Opéra de Paris l'accueille en 2017 pour La Fille de neige de Rimski-Korsakov. Il élabore ensuite la mise en scène de Carmen de Bizet au Festival d'Aix-en-Provence et crée à cette occasion une nouvelle polémique en transformant l'intrigue en un jeu de rôle destiné à revitaliser le couple que Don José forme avec Micaëla. La même année, il met en scène Simon Boccanegra (Verdi) à Munich. En 2019, il revient à l'Opéra de Paris pour une nouvelle polémique avec Les Troyens de Berlioz, plaçant la seconde partie (Les Troyens à Carthage) dans un centre de soins psycho-traumatologique pour victimes de guerre, dans lequel Enée est envoyé suite à La Prise de Troie. Dans Le Conte du tsar Saltan à La Monnaie, il transforme le jeune Gvidon en enfant autiste. 

En 2020/2021, Dmitri Tcherniakov proposera une nouvelle production d'Aida à Amsterdam en décembre puis revisitera le Freischütz à Munich en février et Mazeppa de Tchaikovski à Baden-Baden en mars. Sa production d'Elektra, annulée en 2020 pour cause de Covid-19, sera présentée à Hambourg en avril. Enfin, il proposera une nouvelle mise en scène de La Dame de Pique à l'Opéra de Paris en mai 2021.