Concert Gala des "Voix Lyriques d’Afrique" au Théâtre des Champs-Elysées
Ce programme riche et vivant, lyrique et traditionnel, s'inscrit sous le signe de l'unité et de la diversité : celle d'un continent double (le continent artistique, le continent Afrique tout en transcendant les frontières et les horizons).
La programmation diverse, riche et variée (dans un bel esprit de gala) parcourt les siècles et les pays lyriques, en commençant par Vivaldi. "Vedrò con mio diletto" est interprété par Patrick Dailey, dont la belle carrure impressionne d'autant plus en déployant un timbre de contre-ténor, dans la maîtrise des contrastes et un contrôle total sur la gamme. Ses ornements sensibles contrastent également, avec un recours original à des vibratos très amples ou des effets criés théâtraux.
La soirée est ainsi ponctuée de solos, mais aussi de duos, trios, ensembles... à l’image des chanteurs Yanis Benabdallah, Christian Rodrigue Moungoungou et François-Germain Manwell interprétant "La mia Dorabella". Le premier, ténor, présente une voix agile et homogène employant un timbre léger, ajoutant une couleur claire à l'ensemble. Le deuxième, baryton, offre une voix timbrée et une assise vocale posée, marquée par la clarté dans la déclamation, contribuant à la chaleur de l'ensemble avec une tessiture qui reste lyrique. Quant à la belle voix de basse, elle se démarque par une technique vocale solide, sa déclamation claire ajoutant une structure harmonieuse au consort, permettant une écoute plus homogène.
Deux solos qui marquent le public sont ceux de Masabane Cecilia Rangwanasha en robe bleue pétillante dans "Ebben, ne andrò lontana" et celui de Mariam Battistelli en robe blanche satinée, dans le "Chant à la lune" de Dvořák. La première éblouit par sa puissance lyrique et son phrasé délicat qui dégage une expressivité totale dans la déclamation du texte, enrichissant le concert de nuances fines avec l’emploi d’une technique lyrique et d'un timbre chaud. La seconde se distingue par une agilité vocale plus consistante et une clarté de diction marquée par son dynamisme, apportant puissance et délicatesse à son interprétation et pouvant s’adapter sans problème à chaque phrase déclamée.
Le duo réunissant Patrick Dailey et Bonita Hyman émeut tout le public sur l'air baroque de Haendel, "Son nata a lagrimar". La mezzo-soprano, en robe verte, propose un timbre direct et nuancé, moins orné mais riche en subtilités, créant une atmosphère plus intime. Leur duo est souligné par un fin jeu d’acteur se concluant en tendresse, celle de Patrick sur le buste de Bonita, ce qui laisse échapper du public un doux murmure parcourant la salle.
Raehann Bryce-Davis marque son apparition avec l’air "O Don Fatale". Vêtue d'une robe rouge ornée de paillettes flamboyantes, cette mezzo-soprano allie dynamisme et expression théâtrale. Son chant se caractérise par des attaques pointues au début de chaque phrase, un timbre agile et puissant tout en gardant une tessiture lyrique mais très envoûtante. Sa deuxième apparition, encore plus marquante avec le morceau I am easily assimilated du Candide de Bernstein, déclenche les rires d'une salle amusée par sa danse avec un éventail, s’approchant du chef et naviguant même parmi l'orchestre.
D’un autre côté, Elisabeth Moussous entonne « L’Air d’Adjatché » en Fon et Yoruba (extrait d'Amazones du Dahomey, nouvel opéra d'Africa Lyric's Opera signé Jules Teukam). Sa performance lyrique brille par un timbre clair et puissant, qui s'harmonise avec l'orchestre, aboutissant à un final marqué par son dynamisme vocal dans l’expressivité employée pour la déclamation du texte.
L’Orchestre de la Garde Républicaine, dirigé par le colonel Sébastien Billard, n'est pas en reste de sensations. Sa rigueur militaire est réellement au service de la musicalité et de la technique, tant dans l’ouverture (Rousslan et Ludmilla de Glinka) que pour le Scherzo dynamique d'Alcée Chriss III. La musique est très énergique tout en respectant les souffles et les nuances, valorisant aussi le déroulement harmonique et les solos de chaque instrument. Sa plage sonore large et précise permet un accompagnement idéal pour les chanteurs. La baguette est également confiée à la lieutenante-colonelle Aurore Tillac, chef-adjointe qui conduit l’interprétation d'Africa (du groupe Toto), dans une adaptation de l'hymne pop à cet effectif instrumental. Les quatre solistes membres du chœur d'hommes expriment un chant dynamique et puissant, dansant même au rythme de la chanson dans leur uniforme.
Le Chœur de l'Armée française se fait accompagnateur mais aussi interprète à part entière du chant traditionnel sénégalais Tajabone. La déclamation du texte est très puissante, les basses emportant dans une harmonie intense, homogène et précise.
Après plus de 3 heures de musique, le gala se conclut par la prise de parole énergique de Claire Tiemani, Présidente Fondatrice de Women Of Africa et Patricia Djomseu, Présidente des Grandes Voix d’Opéra d’Afrique. Cette soirée "donnée conjointement au profit des jeunes artistes lyriques de la diversité, de la construction d’un conservatoire de musique au Cameroun et de la formation des femmes en Afrique dans le domaine de la high-tech" se termine en apothéose par un bis très sonore et formel : "O Fortuna" de Carmina Burana (Carl Orff). La quantité de son produite par la totalité des musiciens réunis est une claque sonore que le public, rassasié de belles musiques classiques, traditionnelles et populaires ne manque pas de saluer de toute sa sincérité et sa reconnaissance.
Parfois 2h30 semblent ne durer quune heure. Cest la magie du gala solidaire des Grandes Voix dOpéra dAfrique de @womenofafrica1 soutenu par la @FondationOrange pour promouvoir les voix lyriques dAfrique Merci de la part des associations invitées à ce beau gala pic.twitter.com/443we6xxkV
— Diane LARUE-NICOUE (@DNICOUE) 24 mars 2024