Prometteuses auditions du CFPL au Studio Bastille pour une nouvelle Génération Opéra
Lauréate de trois prix au récent Concours Opéra Jeunes Espoirs Raymond Duffaut en Avignon, la mezzo-soprano Juliette Mey impressionne de nouveau, obtenant même les seuls bravi de la prestigieuse assemblée. Elle montre son enthousiasme sur l’air d’Urbain dans Les Huguenots, dans lequel son chant se nourrit du plaisir théâtral. Sa voix bien émise et au timbre velouté s’appuie des médiums chauds et un vibrato vigoureux. Déjà, elle démontre l’agilité vocale que l’air final de La Cenerentola exalte : d’un air détaché, la bouche très peu ouverte, elle se rit des pyrotechnies rossiniennes qui ravissent son public. Qualité du timbre, technique, musicalité et nuance, présence théâtrale : à seulement 21 ans, voilà une artiste armée pour faire une belle carrière.
Le ténor Léo Vermot-Desroches chante Kleinzach d’un air narquois avant un candide Rodolfo de La Bohème. Théâtral bien qu’économe dans sa gestique, il dispose d’un timbre clair et bien projeté (malgré de très légers déraillements). Ses aigus se révèlent sûr, qu’ils soient larges et appuyés ou bien fins et doux (notamment ce bel aigu filé sur la fin de son air). Son phrasé est acéré et nuancé, montrant déjà une certaine finesse musicale.
Le contre-ténor de 23 ans Rémy Bres-Feuillet interprète Giulio Cesare puis l’Orphée de Gluck avec son timbre très doux, s’appuyant sur des graves barytonants. Il expose aux professionnels qui composent le public une grande agilité dans des vocalises précises et expressives, ainsi que sa sensibilité et sa musicalité. Sa projection, parfaite pour ce studio Bastille, devra toutefois être capable de s’amplifier pour s’adapter à des salles plus grandes.
La mezzo-soprano Mathilde Ortscheidt expose une voix ronde au timbre satiné. Sa bonne projection ne nuit en rien à une diction très précise. Son interprétation ressort également par l’expressivité de son interprétation. Son « Parto, parto » extrait de La Clémence de Titus expose des graves noirs et sa capacité à vocaliser avec précision.
Cyrielle Ndjiki démontre une fois encore le potentiel de sa voix immense et très lyrique. Une voix qui serait cependant bien mieux mise en valeur à quelques pas de là, dans la grande salle de Bastille, plutôt que dans ce studio de poche. Dans l’air très central de Chimène du Cid de Massenet puis en Elisabeth de Tannhäuser, elle expose son timbre ardent dans des mediums généreux.
Yiran Jia incarne un Wolfram ténébreux, d’une voix qui reste pourtant brillante. Son phrasé très travaillé, au beau legato, s’appuie sur un vibrato fin et rapide. Le théâtre manque hélas à son Leporello dans l’air du catalogue : il ne semble pas prendre suffisamment de plaisir à interpréter cet air d’une grande ironie. Son chant se teinte pourtant de couleurs nouvelles dès qu’il esquisse ne serait-ce qu’un léger sourire. Sa voix montre toutefois la largeur de son ambitus, depuis des graves profonds mais chaleureux jusqu'à de clairs aigus, bien projetés.
Yara Kasti est d’abord une Manon vigoureuse, à la voix trop projetée dans l’intimité du Studio Bastille. Elle dispose d’un timbre pur et valorise le texte par une diction précise. Investie dans le personnage, elle semble toutefois en oublier les finesses d’une interprétation aboutie : la souplesse du phrasé, le legato, les nuances. Elle fait en revanche une entrée théâtrale en Iolanta : la langue russe semble attendrir sa voix, qui gagne dès lors en émotion.
Le baryton-basse Antoine Foulon s’attaque au Basilio du Barbier de Séville, armé d’un phrasé théâtral et nuancé. Sa voix de basse lumineuse manque toutefois de noirceur et d’ampleur pour ce rôle. Emouvant en Sancho (Don Quichotte de Massenet) pour lequel il déploie un grand engagement, il pourrait encore affiner son phrasé qui manque de liant.
Le baryton-basse Bruno Khouri dispose d’un timbre clair et d’une voix vigoureuse, assise sur une belle maîtrise du souffle, mais dont la justesse n’est pas toujours exacte. Encore très jeune (il n’a que 21 ans), il n’entre toutefois pas pleinement dans le comique de son personnage de Belcore. Son grain riche en harmoniques ressort en revanche dans son interprétation de La jolie fille de Perth de Bizet.
Le baryton Halidou Nombre est un Golaud grave et impliqué. Sa diction, si importante dans ce répertoire, est particulièrement précise, et son timbre corsé correspond à la noirceur du personnage. Seulement, sa voix manque d’appui et ses phrasés n’ont pas (encore) la finesse exigée par ce répertoire. Dans l’air « Scintille diamant » extrait des Contes d’Hoffmann, il sollicite un large ambitus, depuis des graves charnus jusqu’à des aigus forcés, pas toujours justes.
Ces artistes sont accompagnés de la cheffe de chant Ayaka Niwano, qui passe ainsi avec dextérité d’un répertoire à l’autre, toujours attentive à suivre les inflexions des chanteurs qui se succèdent devant elle. De rares faux pas peuvent toutefois être relevés lorsqu’elle doit tourner elle-même les pages de sa partition.
Le public, tout professionnel qu'il est, salue avec enthousiasme les dix jeunes artistes avant de les retrouver à l'extérieur du Studio pour nouer de premiers contacts.