Christoph Prégardien conclut le week-end Lieder à la Philharmonie de Paris
Le ténor Christoph Prégardien s’est régulièrement mesuré au
cycle de La Belle meunière de Schubert, l’enregistrant
notamment à deux reprises au cours de sa longue carrière, avec le
grand Andreas Staier au pianoforte en 1991 et plus récemment avec
Michael Gees. Depuis cette dernière version, une dizaine d’années
est passée et Christoph Prégardien a franchit le cap de la
soixantaine. De fait, si l’artiste démontre toujours la même
sérénité, le même calme apparent qu’autrefois, la voix en
elle-même, tout en conservant un côté juvénile dans la qualité
intrinsèque du timbre, a pris nécessairement quelques rides. Avec
cette économie de moyens qui le caractérise, il parvient nonobstant encore à
donner pleinement vie aux mélodies composées par Schubert sur les
20 magnifiques poèmes de Wilhelm Müller que le compositeur a
expressément choisis. Le compositeur reviendra une nouvelle fois vers
Müller pour son testament musical vocal, Winterreise/Le
Voyage d’hiver.
Christoph Prégardien raconte simplement une histoire, celle de ce jeune garçon meunier évoquant son amour éperdu pour cette belle meunière entrevue avec ses espoirs, ses angoisses, ses rebondissements, ses amertumes. La désespérance se fait jour à l’avant dernier Lied du cycle, Der Müller und der Bach/Le Meunier et le ruisseau, avec la fin du premier amour et l’envol vers l’âge d’homme. Toute emplie de sincérité, d'expressivité, l’approche touche profondément. Certes, le soutien se dérobe quelquefois, l’aigu marque un peu le pas, et certains Lieder paraissent un peu bas, la poésie néanmoins, s’impose et traduit une science de l’interprétation marquée désormais du sceau de la maturité. Surtout, Christoph Prégardien chante avec de rares qualités de cœur et un authentique sens de l’intime.
Michael Gees l’accompagne avec ferveur et générosité, quelquefois même un peu trop, en léger décalage avec l’interprétation plus mesurée, plus intériorisée du ténor. Au terme de ce cycle déjà éreintant, les deux interprètes offrent pourtant au public présent dans la salle de concert de la Cité de la Musique et avec générosité, deux autres Lieder des deux autres cycles de Schubert : Liebesbotschaft/Message d’amour, première mélodie du cycle Schwanengesang/Le Chant du cygne, puis l’ineffable Der Lindenbaum/Le Tilleul, extrait du Voyage d’hiver.