Jeunes belcantistes à la Philharmonie de Paris
Accompagnés de l’Orchestre de chambre de Paris mené par son Directeur Douglas Boyd, quatre jeunes chanteurs présentent leurs qualités vocales au public de la Philharmonie de Paris. Bien sûr, le stress est perceptible dans les premières interventions, mais ces artistes parviennent rapidement à s’en libérer.
Le ténor Xabier Anduaga, déjà repéré par le Festival de Pesaro, lance les hostilités, le visage fermé, avec l’air final du Comte Almaviva dans Le Barbier de Séville. La technique est aboutie : le souffle est long, les aigus sont puissants et les graves droits et bien projetés. De même, le timbre est à la fois riche et clair, le vibrato serré et dynamique, les vocalises fluides (même si elles manquent de justesse dans les notes intermédiaires). En revanche, son interprétation tend à alterner entre une pleine voix fortissimo (qui déséquilibre les ensembles, en particulier le quatuor de Rigoletto proposé en bis), et une voix mixte allégée, pleine de tendresse, merveilleuse dans l’air de Nadir dans Les Pêcheurs de perles (dans lequel la prononciation française est toutefois très récalcitrante). Plus généralement, son interprétation manque de théâtralité : il ne regarde ainsi quasiment pas la soprano Angélique Boudeville dans leur duo extrait de L’Élixir d’amour.
Cette dernière gagnerait également à se montrer plus expressive théâtralement, mais sa voix sombre et large dispose d’un timbre moelleux et caressant, ainsi que d’un vibrato léger mais vigoureux. Elle nourrit son chant de subtiles nuances qui parcourent des vocalises maîtrisées dans les divers répertoires parcourus (Verdi avec Le Corsaire, Donizetti avec L’Elixir d’amour, Bellini avec La Somnambule et Bizet avec Les Pêcheurs de perles).
La mezzo-soprano Katie Bray (qui foule régulièrement les scènes du Royaume-Uni : voir sa lyricographie) démarre dans le dur, stressée et mise au défi par un air (extrait de Semiramide) trop lourd pour sa voix fine. Pourtant, elle suscite l’enthousiasme du public par ses interprétations personnelles et investies, nuancées et théâtrales de « Non più mesta » (La Cenerentola) et d’« Una voce poco fa » (Le Barbier). La ligne vocale y est fine et souple, le timbre ourlé de reflets moirés dans le grave, tranchant et rapidement vibré dans l’aigu. Douglas Boyd ponctue son dernier air d’un « absolutely fantastic » qui se passe de traduction !
Enfin, la basse Ugo Rabec entonne « Vi ravviso, o luoghi ameni » (La Somnambule) de sa voix sombre et brillante, dont les résonateurs s’épanouissent dans le grave mais sonnent mats dans l’aigu. Un souffle un peu court l’oblige à abréger ses fins de phrases. Son interprétation très théâtrale montre son goût du jeu : dans l’extrait de La jolie fille de Perth de Bizet qu’il fait découvrir au public, il varie ainsi constamment les intentions.
L’Orchestre de chambre de Paris accompagne les solistes avec beaucoup de précision et le sens du détail. Si l’ouverture du Barbier manque de nuances pour créer l’étincelle, celle de Guillaume Tell offre une narration vibrante et captivante, d’abord tendre puis éruptive durant la cavalcade. L’Intermezzo de Cavalleria Rusticana est fin et envoûtant.
Le public enthousiaste applaudit chaudement des artistes auxquels on peut promettre un bel avenir lyrique.