
Synopsis
La Somnambule
La veille de son mariage, au cours d'une crise de somnambulisme une jeune femme est surprise dans la chambre d'un homme. Elle n'arrive pas à expliquer sa présence et son futur époux l'accuse d'infidélité et rompt leurs fiançailles.
Bayreuth baroque
Création de l'opéra
La Somnambule (La sonnambula) est un mélodrame en 2 actes de Vincenzo Bellini (1801-1835) sur un livret du librettiste, poète et critique musical italien Felice Romani (1788-1865). Considéré comme l'un des meilleurs librettistes italiens avec Arrigo Boïto (1842-1918) et Pietro Metastasio (1698-1782), Felice était également le collaborateur préféré de Bellini pour lequel il a écrit les livrets de sept de ses dix opéras parmi lesquels I Capuleti ed i Montecchi (1830) et Norma (1831). C'est après le succès de l'opéra I Capuleti ed i Montecchi que le compositeur reçoit une double commande du Teatro Carcano de Milan. Bellini et Felice envisagent dans un premier temps d'adapter Hernani de Victor Hugo, mais la censure autrichienne s'oppose à ce projet alors que la composition a déjà commencé. Sur la suggestion du librettiste, ils choisissent un sujet plus innocent au caractère pastoral et idyllique et plus à la mode : celui d'une jeune femme somnambule qui, à cause de sa maladie, est accusée à tort d'infidélité. Une fois le livret terminé, Bellini s'attelle à la composition entre janvier et mars 1831, processus au cours duquel, d'ailleurs, il recycle de nombreuses musiques déjà écrites pour son Hernani. Du point de vue de l'intrigue, cette œuvre s'apparente au genre semiseria où les éléments de comiques se mêlent aux pathétiques dans un univers pastoral. Toutefois la mise en musique, et particulièrement l'absence d'un rôle de basse bouffe, justifie plutôt de l'appellation « mélodrame » plutôt que semiseria.
Cette œuvre a été créée le 6 mars 1831 au Teatro Carcano de Milan en même temps qu'un ballet du compositeur intitulé Il furore di Amore lors d'une soirée dédié au musicien et ami de Bellini Francesco Pollini. Dès la première le succès est au rendez-vous et la presse, enthousiaste, encense le compositeur et son œuvre. L'opéra est ensuite créé en France le 24 octobre 1831 au Théâtre Italien à Paris, mais étant trop semblable à la pièce et au ballet, il ne plaît pas trop. Aujourd'hui, La somnambule est considéré avec I Puritani et Norma comme l'un des trois chef-d'œuvres du compositeur.
Pour écrire son livret, Felice s'est inspiré de deux œuvres : un vaudeville éponyme d'Eugène Scribe et de Germain Delavigne, et son adaptation en livret pour un ballet de Jean-Pierre Aumer. L'oeuvre de Scribe et de Delavigne a été publié en 1819 et créée le 6 décembre 1819 au Théâtre du Vaudeville à Paris. Le succès à l'époque très prisé du somnambulisme conjugué au génie dramaturgique de Scribe lui assure un succès prodigieux et une reprise dans tous les grands théâtres européens. En 1827, à la demande de Jean-Pierre Aumer, Scribe l'adapte en livret pour un ballet. Sur une musique d'Hérold (alors chef de chant à l'opéra), le ballet-pantomime La somnambule ou l'arrivée d'un nouveau seigneur est créé le 18 septembre 1827 à la salle Le Peletier. Cette collaboration permet à Scribe de lancer sa carrière à l'opéra au cours de laquelle il écrira les livrets de 8 ballets et de 30 opéras.
Au début des années 30, le somnambulisme fascine toujours autant les savants et l'opinion. Pour les artistes, ce mystère de la nature renferme un grand terreau dramaturgique qui rend possible la création d'un nouveau type de tension dramatique à travers une dramatisation des situations par les témoins de somnambulisme (et non pas par les somnambules eux-mêmes). Devant la richesse du sujet et surtout la finesse d'écrire de Scribe, Felice entreprend l'adaptation de la pièce et du livret du ballet en langue italienne. Suivant globalement l'argument de la pièce, le librettiste effectue néanmoins quelques modifications comme le changement des noms des protagonistes ou l'ajout d'un personnage (celui d'Alessio qui prend en charge une partie du rôle du notaire). Il déplace également l'action de la Provence à la Suisse, fusionne les deux derniers actes et ajoute l'évocation d'un fantôme par les paysans (acte I, scène 6) pour dramatiser l'action. Ces transformations changent totalement l'état d'esprit originel présent dans le ballet et la pièce où le mode badin et grivois est abandonné au profit de l'expression de la passion et le développement du drame.