Céleste musique de Bach à Ambronay
En l’église forteresse de la cité médiévale de
Pérouges, lieu à la fois imposant et intime, le Festival d’Ambronay
invite l’ensemble Alia Mens. Fondé en 2012 par le chanteur et
claveciniste Olivier Spilmont, les onze musiciens qui le composent consacrent leur travail à l’immense œuvre de Jean-Sébastien Bach
(1685-1750). Le programme, intitulé « La Cité céleste »,
présente trois cantates, composées alors qu’il
était au service du Duc Guillaume-Ernest de Saxe-Weimar (de 1708 à
1717). Les trois œuvres sont ordonnées en un cheminement spirituel,
de l’angoisse face aux difficultés de la vie, à l’invitation d’accepter la Parole divine pour accéder enfin à une mort sereine.
Vidéo captée au Tage Alter Muzik, Alten Kapelle Regensburg :
La cantate « Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen » (Pleurs, lamentations, tourments, découragement) débute par une Sinfonia à l’expressivité douloureuse subtilement dosée, avec une direction de phrasé tout à fait vocale. Le premier chœur, composé des quatre solistes de la soirée, se fait étonnamment et paradoxalement moins vocal que l’orchestre précédemment : on entend surtout quatre individualités, aux timbres, aux intentions et aux projections toutes différentes. La soprano Élodie Fonnard peut encore convaincre davantage en justesse et en phrasé, l’alto Pascal Bertin remplit son rôle sans se détacher du quatuor –ce qui est certes bienvenu ici-, le ténor Thomas Hobbs (annoncé souffrant) est effectivement sur la réserve. Seule la profondeur de la basse Étienne Bazola attire ici l’intérêt de l’auditeur. Le da capo réussi par les instrumentistes se veut d’une couleur toute particulière, mais les chanteurs ne semblent pas plus à l’aise, malgré l’attention et les gestes encourageants d’Olivier Spilmont. Dans son air « Ich folge Christo nach » (Je suis l’exemple du Christ), Étienne Bazola fait entendre son timbre profond et chaud qui mériterait de gagner encore un peu en puissance pour que l’équilibre avec l’orchestre soit parfait. Dans « Sei getreu » (Sois fidèle), les efforts de Thomas Hobbs sont patents malgré un souffle et un timbre gênés et vraisemblablement fatigués. Tous ses aigus sont chantés en voix de tête, l’empêchant de faire entendre différentes propositions de timbres et de nuances. Dans le choral final, Élodie Fonnard fait entendre des aigus tendus et la justesse des violons pour l’accord final pourrait être meilleure.
La Sinfonia de la cantate « Gleichwie der Regen und Schnee vom Himmel fällt » (Comme la pluie et la neige descendent des cieux) est un très appréciable moment de musique, avec quelques surprises et surtout une belle cohésion des musiciens. Étienne Bazola et Thomas Hobbs sont convaincants lors de leur récitatif, communicant le texte, respectant ses intentions et maîtrisant les vocalises qui l’ornent. L’air « Mein Seelenschatz ist Gottes Wort » (La Parole de Dieu est le trésor de mon âme) est agréablement chanté par la soprano, avant que tous interprètent le joli et rassurant choral final. Les gestes efficaces d’Olivier Spilmont trahissent sa formation chorale, souple et arrondie, très attentif à la gestion des phrasés et aux équilibres de tout l’ensemble.
La Cantate « Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit » (Le temps de Dieu est le meilleur des temps) est introduite par une Sonatina dans laquelle l’auditeur ne peut qu'être charmé par la viole et la flûte à bec. Dans l’aria « In deine Hände befehl ich meinen Geist » (Entre tes mains je remets mon esprit), tandis que les basses avancent avec régularité et sérénité, Etienne Bazola se montre très expressif (presque trop) et Pascal Bertin se veut aérien dans la voix et le phrasé. Dans le même mouvement, les flûtes sont d’une belle tendresse, commentatrices justement équilibrées et accompagnatrices tout aussi pertinentes. La cantate se termine par un choral joliment simple, sans aucun superflu.
Pour terminer cette douce soirée, Alia Mens et son Directeur offrent le célèbre, sublime et à propos choral « Wenn ich einmal soll scheiden » (Quand sonnera notre heure) extrait de la Passion selon Saint Matthieu.