Charmes et pleurs de l’Amour médiéval captés par le Sollazzo Ensemble
C’est dans le décor dépouillé du chœur supérieur du couvent des Dominicains de Guebwiller, aujourd’hui Centre culturel de rencontre de Haute-Alsace, que cette captation transporte ses spectateurs pour assister à ce concert du Sollazzo Ensemble. Le lieu est à l’image de son travail d’interprétation des chants d’amour médiévaux, qu’ils soient sacrés ou profanes : authentique, sans ornement superflu, magnifié par la seule sensibilité musicale de ses membres, comme seule la lumière naturelle semble les caresser à travers les hautes fenêtres qui laissent entrevoir la belle ville alsacienne.
Par leur jeu sur instruments médiévaux, les musiciens installent confortablement l'auditeur dans une écoute toute particulière : les sonorités énigmatiques du psaltérion, un rien acide par les coups de marteau qui frappent pourtant avec une certaine délicatesse les cordes, résonnent avec le timbre tout aussi subtil des cordes pincées du luth. L’âpreté étonnamment moelleuse des vièles complète ce petit ensemble adouci par le souffle de l’organetto. Le charme est immédiat. La symbiose des instrumentistes est patente lors de L’Estampie, œuvre instrumentale d’un anonyme, dans lesquelles les imitations dynamiques sont bien prononcées. Le chant au psaltérion charme tout autant dans l'accompagnement avec simplicité par le luth, Hélas mon cuer, d’un compositeur encore anonyme, dont les nuances et les silences invitent à une écoute des plus attentives, et même le discret vent du dehors semble se joindre à cette touchante plainte.
Le charme ne serait pas total sans l’intervention expressive de la voix. Celles des trois chanteurs font résonner de délicieuses harmonies, qu’elles interviennent en trio ou seules. La ligne de souffle de la soprano Carine Tinney est pleinement soutenue en fin du Creata fusti o vergine Maria de Francesco degli Organi (c. 1325-1397). Dans les parties récitatives de l’œuvre suivante, Magdalena degna da laudare, la chanteuse captive par sa voix et sa présence très expressives, aidées par son timbre doux et suave. Sa comparse, parfois amante rivale, Anara Khassenova ne manque pas non plus d’expressivité, faisant entendre la douce et sensible clarté de sa voix de soprano. Le ténor Jonatan Alvarado est très convaincant en ensemble. Lors de ses interventions en solo, l'auditeur apprécie la clarté de son texte et la justesse de ses phrasés. Gli atti col dançar de Johannes Ciconia (1370-1412) est une longue plainte qu’il interprète avec un accompagnement sombre et très nu des vièles, sur leurs cordes graves, ce qui ne lui permet aucun véritable soutien pour assurer la plénitude assurée de sa ligne vocale et de sa justesse.
Entre danses et plaintes, le cœur du spectateur a de quoi être charmé par la musique médiévale, les sonorités et l’interprétation du Sollazzo Ensemble, dont nous avons rendu compte de leur disque, ainsi que de concerts : nocturne et étoilé au Festival d’Ambronay, hommage au Trecento en ce même lieu, et à Léonard de Vinci en l'Auditorium du Louvre.