Auditorium du Louvre : Renaissance des airs de l’époque Léonard de Vinci
Rompu aux répertoires du Moyen-Âge et de la Renaissance, le jeune Ensemble Sollazzo aborde celui de la fin XVè-début XVIè siècle au travers d'Atalante Migliorotti (1466-1532, qui a appris la musique grâce à Léonard de Vinci lui-même). En se mettant dans la peau de l'artiste polyvalent (à la fois luthiste, joueur de lyre, chanteur mais aussi facteur d'instruments) et pourtant méconnu, l'ensemble parvient à reconstituer ce qu'a pu être son répertoire, mais aussi celui de la cour de Mantoue, où Isabelle d’Este faisait figure de mécène. Atalante Migliorotti s'y produisait fréquemment, certainement en compagnie de Léonard de Vinci, joueur virtuose (notre compte-rendu du précédent concert dédié à Léonard musical et musicien). À l'image du répertoire de l'époque, le programme fait alterner airs franco-flamands, musique de tradition et de référence à la cour, et airs italiens qui s'apparentent aux frottole, genre nouveau, dont les compositeurs Bartolomeo Tromboncino, Marchetto Cara et Bartolomeo degli Organi sont les précurseurs. Tournés vers le registre amoureux, les airs ne sont pourtant aucunement empreints du pathos propre aux madrigaux baroques : les lignes sont lisses, claires et renvoient étonnamment aux formes nettes et bien proportionnées des œuvres de Léonard de Vinci.
Avec souplesse et simplicité la soprano Perrine Devillers rejoint ces lignes et douces couleurs dans ses interprétations. Chargée de nuances, sa voix claire aux teintes sombres dans les graves est toujours mesurée, jamais dans l’effusion. Des rimes italiennes aux roulements de l’ancien français comme aux airs profanes franco-flamands, sa prononciation demeure nette. Le regard concentré, elle mesure avec justesse ses tenues en fin de phrase. Celles-ci s’éteignent lentement, comme la flamme à la fin d’une mèche. L’allure droite et solide, le baryton Romain Bockler épouse chaque mot avec justesse et précision. Son timbre épais et puissant porte avec vigueur la mélodie parfois infinie des airs. Dans les passages polyphoniques, il offre une assise stable et solide à l’ensemble.
Le ténor chilien Francisco Mañalich manie la voix et la vihuela de arco (vièle italienne, propre à la fin du XVè siècle) avec une identique aisance. Sa voix claire amorce avec légèreté les débuts de phrase mais manque parfois de souffle dans la longueur. Très doux et précis, ses aigus frôlent le mezza voce et semblent presque retenus.
En polyphonie, les trois voix s’accordent avec subtilité et offrent une texture polysémique aux vers. Avec grand soin, les chanteurs enrobent l’accord sur « Amore » dans la frottole de Bartolomeo degli Organi. Tel un aplat de couleurs, leurs timbres s’harmonisent avec une extrême précision. Dans un flux musical presque continu et aux transitions bien dosées, Anna Danilevskaia dirige discrètement l’ensemble du regard. Avec le luthiste Christoph Sommer et Francisco Mañalich, elle se distingue par son jeu minutieux sur la vihuela de arco.
Sur un bis plein d’assurance qui reprend la frottole vigoureuse du début de concert, l’ensemble achève de conquérir un public venu nombreux durant cette pause méridienne.