Concert nocturne et étoilé au Festival d’Ambronay
Accomplissement de son thème Vibrations : Cosmos, le Festival d’Ambronay programme pour son dernier week-end, une « journée cosmique » autour de la conférence de l’astrophysicien Hubert Reeves sur l’origine du monde et l’écologie. Pour terminer cette journée de concerts, les quatre chanteurs et les quatre instrumentistes du Sollazzo Ensemble – ensemble associé au Centre culturel de rencontre d’Ambronay – interprètent des pièces du dernier Moyen-Âge pour un concert nocturne dans la grande abbatiale.
La fin de soirée débute avec une polyphonie a cappella du Gloria in excelsis Deo de Matteo da Perugia (début du XVe s.), annonçant la riche et dense écriture vocale des œuvres de cette période, qui toutefois exigent une grande homogénéité du quatuor vocal. Par entrées tuilées, les instruments introduisent un madrigal de Bartolino da Padova (1365-1405), Quel sole che nutric’al gentil fiore, dans lequel la claire voix de la soprano Perrine Devillers fait entendre des vocalises fluides qui résonnent agréablement dans l’abbatiale. Éclairée de quelques bougies et de lumières tamisées, celle-ci revêt une atmosphère toute particulière. Après la canzona Quand’amor de Johannes de Florentia (XIVe s.) par le seul trio masculin, la Caccia (chasse) Per larghi prati de Giovanni da Firenze (milieu du XIVe s.) est assez saisissante, par le passage de la mélodie d’une voix à une autre, en un complexe contrepoint qui nourrit ainsi l’harmonie. Véritable art de l’écriture musicale, son interprétation l’est tout autant.
Les motets de cette époque sont souvent porteurs de plusieurs textes, racontant deux -ou davantage- histoires différentes. La compréhension en est donc volontairement troublée, l’auditeur ayant plusieurs plans d’écoute, qui peuvent changer d’une écoute à une autre et même d’un auditeur à un autre. Mieux encore, certains mots, pourtant importants, peuvent être volontairement cachés par la superposition de textes, comme un secret. C’est le cas du motet extrait du Codex de Chypre, dont on peut louer les phrasés de l’interprétation, donnant tout de même une direction nécessaire pour ne pas perdre l’auditeur. Après l’intimité de la vièle (instrument à cordes du Moyen-Âge) à archet d’Anna Danilevskaia – qui assure également la direction artistique de l’ensemble – avec Hont paur du Codex Faenza arrangé d’après Guillaume de Machaut, le quatuor vocal se place sur le devant de la scène pour la ballade Non piu ebbe dido d’Andrea da Firenze (?-1415) dans lequel le chant lumineux de la soprane, monodique et bref, répond au trio masculin sur un bourdon de vièle.
Avec Quando la stella et Dolce speranza de Giovanni et Andrea da Firenze, les très belles harmonies continuent à élever l’auditeur dans les hauteurs célestes, comme les œuvres suivantes, Nel meço gi adel mar de Niccolò da Perugia et le motet polytextuel Apollinis eclipsatur de Bernard de Cluny (XIVe s.). Le Sollazzo Ensemble offre en bis au public enchanté un vivant et expressif Rossignolet, le laissant ainsi sortir sous les étoiles qui illuminent le ciel d’Ambronay.