Andromaque à Saint-Etienne : le chœur
« Le chœur est omniprésent quasiment tout au long de cet ouvrage. Sa fonction est d'accompagner les protagonistes mais, comme l'opéra, par rapport à la tragédie de Racine, enlève les rôles de Pylade, Cléone et Céphise (les confidents d'Oreste, d'Hermione et d'Andromaque), le chœur prend ainsi ce rôle de confidents, avec des vers de Racine qui lui sont confiés. Le fait que le chœur embrasse plusieurs rôles dans une œuvre et la commente à la fois n’est pas rare, mais c'est ici particulièrement important. Cette place et cette omniprésence du chœur a d'ailleurs été reprochée à Grétry.
C'est assez rare de chanter du Racine, le travail de la langue française est bien entendu particulièrement important pour cette œuvre, et c'est une force de notre chœur (notamment forgée avec le répertoire de Massenet, le compositeur local et que promeut Saint-Étienne). Et le style de cette musique est à la croisée des esthétiques (classique et pré-romantique) avec une polyphonie simple apparemment et intense. Il faut trouver la souplesse pour être malléable musicalement (pour l'être aussi scéniquement). Le chœur doit être très adaptable, ses interventions sont parfois très courtes pour ponctuer des actions, souvent en accompagnement avec les solistes.
Et ce dès le début de l’opéra. J'aime beaucoup le fait que le chœur soit là d’entrée de jeu, c'est toujours inattendu qu'un chœur soit déjà présent pour commencer l'œuvre et échanger avec Andromaque.
“Cessez de répandre des larmes” est quelque chose que seul un confident peut normalement dire, et pas 32 personnes en même temps, et pourtant... C'est quelque chose de l'ordre de l'intime, et le chœur entre par une scène des plus intimes. Il s'agit donc de trouver une tendresse (nullement mièvre car il est question de vengeance, les amours vont finir en malheur). Ce chœur est déjà assez complexe, dès les premières mesures où la consolation doit déjà annoncer la suite, annoncer "Dieu que de larmes vont couler " [que choisissait justement de nous présenter Sébastien Guèze qui incarnera Oreste et chante cette phrase].
Le Chœur au début du deuxième acte “Modérez ce transport jaloux” fonctionne également très bien dramatiquement, avec beaucoup de poids dans le dialogue de conspirateurs avec Oreste. Il est très bien construit dans le déploiement théâtral avec des accords qui ne bougent pas, comme de longues tenues de cuivre et le texte qui justifie le rythme.
La conspiration donne déjà le côté plus martial (que traduit aussi la tonalité de ré majeur avec un aspect plus théâtral, qui invite à trouver beaucoup de couleurs).
Et puis il y a le finale de l’opéra, “Dieux implacables, dieux vengeurs”. Comme le rappelle le Palazzetto Bru Zane, on reprochait à Grétry la trop grande présence des chœurs, au point de trop s’approcher d’un oratorio. Cela s’explique aussi avec le chœur final, qui est une grande fresque chorale, synthèse de tous les épisodes, de tous les drames, bouclant toutes les boucles musicales : et c’est pourquoi le Chœur conclut la pièce. »
Rendez-vous demain pour le dernier épisode de cette série, consacré à l’orchestre !
Rendez-vous à l’Opéra de Saint-Étienne les 8, 10 et 12 mars 2023 pour apprécier cette nouvelle production réalisée par les ateliers stéphanois et mise en scène par Matthieu Cruciani
Retrouvez les autres airs de notre série :
1- Le rôle-titre
2- Les larmes d'une mère
3- Pyrrhus
4- Pyrrhus et Andromaque
5- Hermione
6- La mort d’Hermione
7- Oreste
8- La fin d’Oreste
9- Le chœur
10- L’Orchestre