Les Parapluies de Cherbourg reviennent au Théâtre du Châtelet
Marie Oppert (Geneviève) et Vincent Niclo (Guy) dans Les Parapluies de Cherbourg © Marie Noëlle Robert
Déjà cinquante ans que les mélodies Les Parapluies de Cherbourg trottent dans nos têtes. Palme d'Or au Festival de Cannes en 1964, le film, nourri de l'audace de Jacques Demy, se voulait entièrement chanté et lançait la carrière de la jeune Catherine Deneuve. Entre comédie musicale et opéra, Les Parapluies de Cherbourg raconte l'histoire d'amour contrariée de Geneviève (Marie Oppert) et Guy (Vincent Niclo), deux amoureux de dix-huit et vingt ans à peine, que la Guerre d'Algérie vient séparer. Enceinte, Geneviève, poussée par sa mère (Natalie Dessay), épousera Roland Cassard (Laurent Naouri), tandis que Guy, esseulé, se tournera à son retour vers Madeleine (Louise Leterme). Chacun s'accommodera de ce chemin emprunté « à défaut », dont une rencontre fortuite le soir de Noël 1963 viendra raviver l'absurde tristesse.
Lorsque Michel Legrand apparaît, son pardessus sur le dos, son parapluie à la main et son sourire aux lèvres, prêt à prendre la direction de l'Orchestre national d'Île-de-France, c'est un véritable tonnerre d'applaudissement qui retentit dans la salle du Théâtre du Châtelet. L'orchestre n'est pas dans la fosse, il s'apprécie sur scène. Commence alors un enchantement savoureux, que Michel Legrand sublime d'une main de maître. "Pour la 300e fois de mon existence, j'ai donc réorchestré Les Parapluies de Cherbourg. Mais le jeu en valait la chandelle : pour la première fois, ils vont disposer sur scène d'une formation symphonique... que je vais diriger moi-même ce qui est aussi une nouveauté pour une adaptation des Parapluies", souligne le compositeur. Si dans le film, les séquences permettent une formation d'orchestre à géométrie variable, ici, le compositeur a adapté l'écriture aux 75 musiciens de la phalange francilienne, "tout en respectant la couleur des morceaux originaux". Excellant par la richesse de sa diversité musicale, Les Parapluies de Cherbourg est comme le décrit Michel Legrand : "un ouvrage sur le fil entre différents visages et langages de la musique – du swing, de grands élans de lyrisme, ici un clin d'oeil au baroque, là à Kurt Weill, des rythmes sud-américains... ". Égrenant sa palette musicale, l’œuvre nous transporte d'émotions en émotions, soutenue par des interprètes hors pairs.
Laurent Naouri (Cassard) Natalie Dessay (Madame Emery) © Marie Noëlle Robert
Natalie Dessay est saisissante, drôle et toujours juste dans son rôle de mère protectrice et intéressée, Marie Oppert, avec son timbre clair, offre à Geneviève toute sa fraîcheur et sa candeur, tandis que le baryton Laurent Naouri rend un Roland Cassard bien moins innocent. Plus âgé que le personnage du film -l'acteur Marc Michel avait 32 ans pour le rôle-, le baryton confère au diamantaire une épaisseur singulière et bienvenue. Les décors de Sempé siéent pleinement à la légèreté et la finesse de l'ouvrage. Ses dessins noirs et blancs plantent efficacement l'ambiance d'une chambre, d'un salon, d'un garage, d'une rue ou encore de ce magasin de parapluie.
L'auditoire se laisse ainsi porter dans les différents recoins de Cherbourg. Il reste baloté par des sentiments contraires tout au long de ce malheureux récit. Ému, il l'est également sans nul doute lorsque Michel Legrand fait vrombir l'Orchestre national d'Île-de-France pour ce finale mélancolique, qui nous laisse réfléchir seuls avec notre libre arbitre, sur les trottoirs enneigés de Cherbourg.
Informations pratiques & billetterie :
Les Parapluies de Cherbourg de Michel Legrand
Jusqu'au 30 juin au Théâtre du Châtelet.
(Crédits photographiques cover : Marie Noëlle Robert)