Florian Sempey à Bordeaux : retour en récital applaudi pour l’enfant du pays
L’Auditorium de Bordeaux est bien garni (plus encore que pour le récital de la soprano bulgare Sonya Yoncheva un mois plus tôt), pour accueillir un enfant du pays. Le rang des invités aligne famille, amis, ainsi que sa professeure de chant, Maryse Castets qui l’a formé au conservatoire de Bordeaux jusqu’à ses débuts sur la scène du Grand-Théâtre dès 2010 dans le rôle de Papageno. Florian Sempey joue donc à domicile, dans un programme taillé sur mesure, consacré au répertoire qui a fait sa renommée : le bel canto.
Bellini, Donizetti, de Curtis sont réunis, et, bien évidemment, Rossini. Découpé en deux parties thématiques (la mélodie d’abord, puis l’opéra), ce marathon italien affiche un programme ambitieux, surtout dans l’opéra. Arias et cabalettes (petites sections ornées) défilent les unes après les autres, dans une alternance d’airs pour baryton et pour mezzo, le fil rouge étant tenu par le pianiste Giulio Zappa, accompagnateur attentif et virtuose, capable de tenir les tempi endiablés demandés par les interprètes.
La mezzo-soprano italienne Chiara Amarù (née à Palerme) accompagne également Florian Sempey dans cette exploration virtuose du bel canto. Sa lyricographie affiche un nombre impressionnant de rôles dans ce répertoire (Sara de Roberto Devereux, Isolier dans Le Comte Ory, Rosina du Barbier de Séville, entre autres), ce qui se manifeste dès les premières vocalises et ornements de l’enivrante Danza de Rossini (la Sicilienne choisissant comme une évidence cette Tarentelle). Son colorature demeure agile quoique, sur certains passages, la voix manque de projection. Le timbre est souvent altéré par les changements de registres, dans la succession des pièces pour ce passage de relais permanent avec Florian Sempey.
L’esprit de camaraderie règne sur le plateau (à la fin du concert, le tourneur de page sera aussi salué par les artistes), mais, il n’empêche, Florian Sempey est accueilli comme la star du soir. Très attendu par le public bordelais, le baryton girondin avait visiblement à cœur de soigner son récital et de poursuivre dans la foulée de sa prise de rôle remarquée en Don Giovanni cet été à Sanxay. Le retour au bercail se fait ce soir par un retour à son rôle emblématique : celui de Figaro (Le Barbier de Séville), qui lui colle à la peau. Le célébrissime Largo al Factotum est son cheval de bataille, aussi car cet air met en valeur toutes les qualités du chanteur : diction virtuose, aigus brillants et sens du spectacle. Particulièrement homogène sur tout l’ambitus, son timbre semble gagner en profondeur avec les années, ne laissant rien paraître dans la gestion des passages. Dans les aigus, la couverture ne s’entend que très rarement, ce qui permet de faire passer les extrêmes de la partition pour des notes médianes. Son “Ah per sempre” (I puritani) laisse voir une autre facette, musicale et sensible, d’un artiste qui poursuit sa route assise sur ses qualités d’ancrage vocal, de matière nourrie, de projection généreuse et dynamique, au service d’incarnations qui se diversifient dans les registres au fil de cette carrière.
Le public bordelais ne manque pas de célébrer son enfant prodig(u)e en donnant, lui aussi, de la voix entre chaque morceau. Les applaudissements sont particulièrement nourris au moment de saluer les trois acteurs de la soirée, profitant d’une ovation méritée.