Falstaff Festif au Festival Verdi : petit mais costaud
La représentation de Falstaff dans un lieu tel que le Teatro Giuseppe Verdi di Busseto, de seulement 307 places, implique plusieurs compromis (absence de chœur, orchestre réduit à cinq instruments à cordes, cinq instruments à vent et un piano). Du point de vue strictement musical, cette limpidité de la réduction permet au contrepoint de Verdi d'émerger avec plus de clarté et elle autorise des tempi plus rapides. Ceux-ci assaillent le public à une vitesse vertigineuse, avec toute l'excitation voulue par Verdi, Boito et même Shakespeare. La passion des amants est également magnifiée. Mais le rythme se fait également un peu précipité dans certains passages plus lyriques.
Cette réduction de l’instrumentation est d’ailleurs telle que seuls les deux tiers de la fosse d'orchestre sont utilisés, ce qui permet au metteur en scène, Manuel Renga, d'étendre l’action jusqu’en fosse ainsi qu’aux deux premières loges (comme lieux de complots ou d'aparté). La production allie au plateau l'élégance de décors juste assez encombrés pour créer l'ambiance un peu décontractée d'une auberge anglaise. Les costumes également d'Aurelio Colombo adoptent une griffe entre-deux-guerres pour les femmes et costume élégant pour Ford, mais un charme plus ancien, plus édouardien pour les autres hommes (avec beaucoup de tweed).
La voix de Shakèd Bar sied à la légèreté de Mrs. Meg Page : délicate et agile dans les situations d'ensemble complexes, avec des accentuations agréablement accordées dans les lignes solistes (confirmant combien l'idée de faire appel à une artiste habituée à la musique baroque offre des résultats seyant à l'intimité de ce lieu).
Mrs. Quickly est chantée par Adriana di Paola d'une voix beaucoup plus sombre, adaptée au rôle de conspiratrice. L'onctuosité répétée de ses révérences contribue à rendre l'ambiance de la comédie mais exagérant le jeu au détriment de la qualité et de la précision de la voix, par ailleurs soyeuse.
Ilaria Alida Quilico offre tous les aspects du personnage d'Alice Ford. La voix est techniquement assurée et apporte une gamme de couleurs kaléidoscopiques au rôle. Le contrôle dynamique est constant : les phrases les plus fortes et les plus douces proviennent de toutes les parties de la tessiture, et la subtilité du pianissimo est modèle en son genre. La joute aux sommets (aigus) entre Ilaria Alida Quilico et Veronica Marini demeure comme un temps fort du spectacle.
La Nannetta de Veronica Marini déploie, dès que ses lignes le lui permettent, le contrôle de son registre supérieur, sa diction et d'une manière générale le sens du phrasé (en se délectant de son double rôle : d'amoureuse et de co-conspiratrice).
Vasyl Solodkyy donne un exemple classique de ténor lyrique en Fenton, avec des échanges élégamment gérés entre les registres, une large gamme dynamique et articulatoire (mais qui aurait pu déployer davantage de couleurs).
Les deux serviteurs de Falstaff, Bardolfo et Pistola sont interprétés par Roberto Covatta et Andrea Pellegrini. Le ténor et le baryton sont tous deux suffisamment agiles pour les interminables changements d'ensemble qu'exigent ces deux rôles. Le premier se fait varié et subtil, tandis que le second montre un registre supérieur délicat.
Gregory Bonfatti prêt au Docteur Caïus sa voix de ténor léger, presque mozartien (donnant envie d'en entendre davantage) : son registre supérieur délicat aussi sied pleinement au personnage trompé.
Andrea Borghini interprète Ford avec des notes graves puissantes, d'une sonorité brillante et bourdonnante dans le registre supérieur. Le phrasé est vivant, les articulations attrayantes, le jeu investi.
Franco Vassallo incarne Falstaff comme une version -à peine- âgée de Figaro dans Le Barbier de Séville. La voix passe d'un lyrisme phrasé à des articulations percutantes en un clin d'œil, avec autant d'aisance que ses changements de registres (tout comme il change de cape pour ce Festival Verdi où il alterne en l'espace de deux jours avec le très différent Comte de Luna dans Le Trouvère).
Le maestro Alessandro Palumbo qui signe cet arrangement, dirige avec beaucoup d'habileté, extrayant les couleurs sonores de son ensemble réduit. Le spectacle captive ainsi visiblement le public, notamment dans les ensembles, et reçoit un accueil enthousiaste.
