Concert des Révélations des Victoires de la Musique Classique 2022
Retrouvez très prochainement sur Ôlyrix les interviews des trois Révélations Lyriques 2022 faites à l'occasion de ces nominations
Première chanteuse à se présenter, la mezzo-soprano Marie-Andrée Bouchard-Lesieur fait preuve d’un très bon contrôle de la voix, avec son timbre très chaud. La grande rondeur du chant se conserve sur tout l'ambitus et tout au long du programme, mais semble parfois limiter sa palette de couleurs. Son choix de programme est aussi bien réfléchi pour sa tessiture que pour l’attention du public. Elle passe ainsi du caractère formel du Svarta Rosor de Sibelius au Samson et Dalila de Saint-Saëns avant de proposer une pièce de fantaisie extraite du Zigeunerliebe (Amour Tzigane) de Franz Lehár laissant dévoiler sa créativité scénique (non sans une certaine tendance à l'emphase, ou un peu de stress). Son phrasé élégant manque parfois de précision, mais l'auditoire retient sa très bonne entente avec les autres instrumentistes : le pianiste Edward Liddall et le violoniste Yoan Brakha, rappelant que les trois se sont connus à l'Académie de l'Opéra de Paris.
C’est dans un tout autre registre aussi bien vocal qu’instrumental que se présente la soprano Sarah Aristidou venue avec le guitariste Christian Rivet pour un programme plus concis (une des Bachianas brasileiras d'Heitor Villa-Lobos et la Chanson du Rossignol de Stravinsky). Jouant sur le contraste entre ces deux pièces dans une dimension assez inattendue et moins théâtrale, elle propose un récital introspectif associé à des langages esthétiques plus modernes qui lui permettent de varier les techniques vocales (moment bouche fermée, moment sans accompagnement, moment de pianissimo nourri d'un souffle sûr). Elle se distingue par une large projection et une bonne résonance, avec clarté de timbre (et un choix vestimentaire étudié). Son articulation est limpide, même si la prononciation du portugais semble complexe. Sa présence s'exprime avant tout par la voix, délaissant un peu le jeu, mais son sens des nuances traduit l'intelligence du discours, sa recherche du langage musical, complet et complexe.
Eugénie Joneau démontre une approche scénique forte, une gestualité très affirmée proche de l’usage du théâtre accompagné par le jeu enthousiaste du pianiste Antoine Palloc. Sa voix de mezzo-soprano épouse pleinement le programme choisi, dès l'entrée en matière avec l'Air des lettres du Werther de Massenet. La projection assurée et l'articulation claire profitent à la narration musicale, et enchaînent avec agilité vers une des Banalités de Poulenc (Hôtel), également très expressive. Le souffle assuré s'appuie sur l'élan du pianiste pour déployer son lyrisme avec aisance et naturel. Le concert se termine par son clin d’œil à la variété américaine dans une proposition virtuose et pleine d’humour d'I am easily assimilated (Candide de Bernstein).
La première partie de la soirée était consacrée aux instrumentistes et s’ouvre par Les voix humaines de Marin Marais interprété par le gambiste Valentin Tournet, également directeur de l’ensemble La Chapelle Harmonique, qui propose ensuite une version des Folies d’Espagne signée par le compositeur baroque Antonio Martín y Coll. Sa sensibilité est appréciée mais permet mal à sa personnalité individuelle de se dégager.
C’est ensuite le pianiste Jérémie Moreau qui propose une prestation tout en élégance, une présence scénique naturelle, une gestualité assurée au service d’un jeu sonore précis, dans une recherche expressive mature pour le Klavierstücke n°1 de Schubert avant d'enchaîner sur une pièce bien plus virtuose laissant part à un mode de jeu plus léger : le Scherzo de la Sonate n°3 de Chopin.
Enfin, c’est dans un programme varié qui lui permet d’exprimer toute une palette de modes de jeux que la violoniste Manon Galy referme la catégorie instrumentale. Accompagnée du pianiste Jorge Gonzalez Buajasan, elle présente successivement Introduction et Tarentelle de Sarasate, Beau Soir de Debussy (arrangement Heifetz), et La Cida breve de Manuel de Falla (arrangement Kreisler). Démontrant une maîtrise impressionnante de l’intonation dans le registre aigu, son interprétation reçoit une réponse enthousiaste du public.
Ce public se sera montré très encourageant toute la soirée durant, avec une belle réactivité aux effets théâtraux des chanteuses, le tout dans l’ambiance feutrée du Studio 104 de la Maison de la Radio, avec quelques jeux de projecteurs pensés pour les vidéos de ces prestations à retrouver bientôt sur cette page.
Rendez-vous également sur Ôlyrix le 9 mars prochain pour suivre en direct la cérémonie des Victoires de la Musique Classique