La Vie Parisienne pétillante à l’Odéon de Marseille
Après la récente version à Paris par Christian Lacroix et le Palazzetto Bru Zane, ce sont désormais les “costumes de l’Opéra de Marseille” qui habillent cet opéra bouffe du XIXème siècle. La mise en scène dynamique et parfois humoristique d’Olivier Lepelletier déploie une gestuelle rapide et de nombreux déplacements, à commencer par les rencontres entre les nombreux protagonistes à la gare du Chemin de fer de l’Ouest (et en clin d’œil le fameux jingle de la SNCF annonçant que le train est bien sûr en retard).
Le Chœur Phocéen en blouses blanches s’active d’emblée autour des bagages, sous une horloge, entre des colonnes, avec la rythmique rigoureuse de ses chants joyeux (mais le texte n’est pas toujours intelligible).

Raoul de Gardefeu (à la recherche de conquêtes féminines avec son ami Bobinet) est interprété par Alfred Bironien. Il explique la situation de son timbre de ténor lumineux à l’émission haut placée, avec une excellente diction et une voix projetée. Le Bobinet de Samy Camps lui répond d’une voix de ténor timbrée et fraîche, dispensant une articulation de qualité.
Les deux dandys attendent Métella : irrésistible séductrice Laurence Janot, soprano lyrique et sulfureuse, au timbre charmeur avec des graves poitrinés sonores et des aigus délicats mais aisés.

Antoine Bonelli, (Joseph / Alphonse) a la voix souple et le timbre voilé, guidant le noble couple en goguette. Le Baron de Gondremarck, interprété par Philippe Ermelier, exprime sa malice de coquin mais affirme aussi son autorité, avec une voix ample, à la puissance contrôlée, au timbre chaud, une diction parfaite et une palette très riche en nuances. D’autant qu’en comédien très investi, il sait se laisser tomber lourdement sur un canapé, avant de terminer allongé sur une table de banquet en chantant. La Baronne (Kathia Blas) se présente avec une voix souple et fruitée, dont la ligne vocale est nettement articulée.
Marc Larcher (qui interprète aussi le rôle de Frick le bottier) conclut l’Acte I par son apparition étrange et étincelante en brésilien descendant majestueusement les marches. Sa voix de ténor, chaleureuse et vibrante, projetée dans une tessiture large, aux aigus bien placés et aux paroles nettement articulées, permet de renforcer le comique de situation et fait rire le public (notamment par son accent sud-américain).

Les tableaux des actes II et III permettent de découvrir Gabrielle, la gantière, interprétée par Julia Knecht (grande séductrice déguisée ultérieurement en veuve d’un colonel). Sa voix de soprano colorature évolue avec facilité du grave vers l’aigu. La ligne est bien placée rythmiquement, le vibrato délicat, les vocalises agiles. Gabrielle chante avec vélocité des onomatopées, dans un registre très aigu, pendant “l’air de la gantière” et le finale de l’acte II.
Jean-Christophe Born, ténor à la voix claire avec une excellente diction, est un domestique de la famille de Bobinet (Prosper). Pauline, femme de chambre se faisant Madame l’Amirale et sortant des bouteilles de Champagne d’un cercueil rouge pour la fête à l’hôtel de Quimper-Karadec possède la voix claire au timbre lumineux de Julie Morgane. Les vocalises sont fluides et le texte nettement articulé.

Michel Delfaud (au triple rôle : Gontran, Urbain et Alfred) se trouve dans ce spectacle au sein du grand foyer de l’Opéra de Paris tout en parlant avec l’accent marseillais (un de ces clins d’œil qui ravissent le public de l’Odéon). Il chante ses conseils avec une voix naturelle et opulente, au phrasé soigné : un chant particulièrement nuancé aux paroles très intelligibles.
Emmanuel Trenque dirige l’orchestre maison avec précision et efficacité. Les pupitres aux couleurs variées suivent impeccablement la rythmique exigeante d’Offenbach (permettant au public de frapper dans les mains, aux moments les plus enthousiastes et même en accélérant). Les solistes et le chœur se retrouvent pour un finale jubilatoire et flamboyant, sans French cancan (qui se trouve dans une autre partition d’Offenbach : Orphée aux Enfers), mais tout en mouvements bien synchronisés, dans une ambiance euphorique, chantant le thème récurrent de La Vie Parisienne.
La salle remplie de spectateurs applaudit frénétiquement, chante et ovationne les artistes, avec l’enthousiasme et la lumière du public marseillais !
