Sondra Radvanovsky, une Aïda en or à l’Opéra Bastille
L’Aïda mise en scène par Olivier Py est de retour dans l’antre de l’Opéra Bastille. Malgré de vifs applaudissements pour les forces musicales, et près de trois ans après avoir essuyé de vives critiques lors de sa création in loco en octobre 2013, la production n'aura pas échappé à quelques huées lorsqu’est apparu Olivier Py sur scène au moment des saluts concluant la Première de ce lundi 13 juin. Etouffé par les sifflets, le metteur en scène s’est débattu pour remercier les équipes de l’Opéra national de Paris, qui sont parvenues à résoudre, pendant l’entracte, un important problème technique : à la fin de l’Acte I, un décor capricieux avait en effet immobilisé la mise en scène, rendant impossible tout enchaînement. Bastille n’a donc pas pu apprécier le char d’assaut de Radamès !
Plateau vocal d'Aida mis en scène par Olivier Py (© Guergana Damianova)
Plus qu’il ne le transpose, Olivier Py compose Aïda avec des éléments du XIXe siècle et d’autres du XXe siècle dans une conversation qui évolue à mesure du sens. Le contexte politique dans lequel Verdi écrit Aïda questionne ainsi l’histoire contemporaine. Mises en exergue, noirceur et cruauté, omniprésentes dans l’ouvrage comme dans l’histoire, révèlent deux des ressorts essentiels du drame : le pouvoir militaire et religieux. Le Ku Klux Klan, des militaires en treillis Kalachnikov à la main, des drapeaux évoquant le nationalisme et les décors clinquants de Pierre-André Weitz envahissent donc la scène pour mettre plus bas que terre des amants shakespeariens, Aïda et Radamès, et les enfouir dans le charnier qui clôt l’acte II. Reléguée de force au second plan, cette histoire d’amour impossible semble finalement servir de réflexion plus générale sur le totalitarisme. Seul préjudice, certains détails superflus viennent saturer l’ensemble.
Bien qu’hétérogène, la distribution offre un peu de chair à cet univers métallique mordoré qui engloutit les corps et découpe l’espace. D’Aïda et de Radamès, Verdi ne retiendra qu’un nom pour son opéra, celui de la jeune esclave égyptienne. Bastille aussi. Victime sacrificielle, femme amoureuse, Sondra Radvanovsky (voir son interview à Ôlyrix) façonne une héroïne noble avec des aigus sublimes, soignés et des notes solidement tenues. Point culminant de cette première, libérant un magnifique contre-ut pianissimo, son « O patria mia » fait suspendre Bastille entier à ses lèvres. Face à elle, Aleksandrs Antonenko peine à donner au prince égyptien le charisme qui s’impose et passe difficilement la douloureuse épreuve du « Celeste Aida ». Pour autant, l’incarnation est là, bien présente et son amour pour Aïda transpire. La sensibilité évidente d’Anita Rachvelishvili à l’égard d’Amnéris bouleverse. Une reine viscéralement humaine, gouvernée par l’Amour, émerge de la voix impérieuse de la Géorgienne, qui fait ses débuts à l’Opéra de Paris. De bout en bout, la scène du jugement se révèle magistrale. Avec une puissance maîtrisée, la basse George Gagnidze s’impose sans problème dans le rôle d’Amonasro, bien plus solide que le roi d’Egypte d’Orlin Anastassov.
Sondra Radvanovsky et Georges Gagnidze dans Aida (© Guergana Damianova)
Ayant la part belle, les Chœurs de l’Opéra de Paris sous la direction de José Luis Basso offrent de beaux instants de grâce. A la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Paris, Daniel Oren dirige avec panache et entrain un Aïda claironnant, à l’écoute des interprètes. Bémol, les très attendues trompettes sonnent plus cinglantes que triomphales.
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