Le charme et la grâce d’Orliński salle Gaveau
Performer,
ce qu’il a montré maintes fois (notamment au Festival d’Aix en Provence l’été dernier, dans cette même Salle Gaveau en début d'année et encore récemment à Lille), Orliński est
également un vocaliste de haut vol, doté d’une voix longue,
toujours présente, sachant mixer habilement pour négocier les notes
du bas medium et du grave, une voix large, très sonore, avec en plus
une prononciation précise du texte, une voix souple, avec une
manière de vocaliser en voix pleine et soutenue qui tranche sur
certaines habitudes du baroque.
Le programme fait écho à l’album récemment enregistré par les mêmes artistes, autour d’œuvres de Johann Adolph Hasse (1699-1783), Jan Dismas Zelenka (1679-1745) et Nicola Fago (1677-1745). Ce concert propose en sus le très bienvenu Nisi dominus d’Antonio Vivaldi (1678-1741), alternant des caractères animés (voire véhéments) et lents (voire élégiaques), vaillants, finalement flamboyants.
Les œuvres sacrées présentées sont entrecoupées de deux interventions de l’orchestre seul : une Sonata a quattro d’Alessandro Scarlatti (1660-1725) mettant en valeur les qualités de l’ensemble « Il Pomo d'Oro », et l’Allegro d’une Sinfonia (ZWV 189) de Zelenka sollicitant et mettant en valeur la virtuosité des musiciens, Zefira Valova au violon particulièrement.
S’una lagrima tiré du "Gesù al calvario" de Zelenka montre combien le chanteur maîtrise l’expression dramatique tant par un visage aux mimiques efficaces que par des couleurs judicieusement convoquées, avec conviction dans l’exécution rhétorique des vocalises, au service de l’œuvre.
La cantate "Tam non splendet sol creatus" de Nicola Fago témoigne du goût napolitain pour la vocalité brillante. Jakub Józef Orliński déploie donc avec brio et efficacité le feu d’artifice attendu, qui culmine (comme il se doit) dans l’Alleluia final. L’œuvre n’est pas frappante par sa densité spirituelle (malgré le Largo dans le second air de la cantate), mais elle est symptomatique du goût des hommes du temps, et mérite donc en cela sa place dans un tel concert.
Le jeune chanteur souffre toutefois encore d’un petit défaut dans la maîtrise du trille (qu’il ne sollicite du coup que rarement dans les cadences) et parfois d’une brusquerie dans les contrastes dynamiques (heurtant parfois visiblement des membres de l’assistance). Hormis le somptueux Vedro con mio diletto de Vivaldi (Giusino) qu’il offre en bis, il chante également chaque morceau avec le soutien rassurant d’une partition.
Le concert s’achève avec l’air "Mea tormenta, prosperate", tiré du Sancta Petrus e Sancta Maria Magdalena de J. A. Hasse. Une pièce dans laquelle l’expression commande une autre virtuosité, celle de la gestion des couleurs et des dynamiques, domaine où, malgré les contrastes un peu brusques, Jakub Józef Orliński fait entendre des messa di voce (crescendo decrescendo, enflé/diminué) et des sons filés irradiants de lumière.
Les ovations du public répondent à l’engagement sincère et à la générosité constante de cette personnalité artistique pleine de promesses.
Réservez vite vos places pour admirer Jakub Józef Orliński sur scène : dans le Nisi Dominus d'Antonio Vivaldi au Château de Versailles, le Stabat mater de Pergolèse et Agrippina de Haendel (avec Franco Fagioli, Joyce DiDonato, Marie-Nicole Lemieux) au Théâtre des Champs-Élysées