La Fondation Bettencourt Schueller fait son Gala choral à l'Opéra Comique
Depuis sa création à la fin des années 1980, la Fondation Bettencourt Schueller a soutenu environ 520 lauréats et 1.600 projets dans trois domaines : la science, le social et les activités culturelles (nommément les métiers d'art et le chant choral). Le Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral récompense et soutient un lauréat chaque année depuis 1990, composant un palmarès avec des noms talentueux et familiers. Trois de ces phalanges, ainsi que deux ensembles soutenus pour trois ans par la Fondation sont au programme ce soir.
Olivier Brault (à retrouver dans notre interview) donne le la de la soirée : il s'agit d'oublier d'éventuels mauvais souvenirs des cours de musique subis durant l'enfance (avec solfège et flûte à bec) : ce soir le chant choral rayonne et sera heureux ! Chanter fait du bien à ceux qui chantent comme à ceux qui écoutent. Sa pratique donne l'image d'une société harmonieuse et épanouissante !
Des paroles suivies des faits. La soirée propose en effet des prestations aussi variées que remarquables, scénographiées même avec pour fil rouge un Monsieur Loyal/Mister Bean qui offre de délicieuses pastilles comiques entre les interventions chorales. Il est ainsi un Quasimodo descendant du plafond par une grande corde de sonneur de cloche, ce qui fait également descendre le décor du Domino noir (opus en pleine série de représentations dans ces lieux, et dont vous pouvez retrouver ici notre compte-rendu). Le personnage fantasque se transforme ensuite en marionnette Yankee imitant un croisement d'Elvis et Sinatra ou encore en Tsar des neiges essayant d'attraper des flocons sur la langue (puis les recrachant en réalisant qu'ils sont faux).
Le Chœur accentus (qui est justement à l'affiche du Domino noir) ouvre la soirée en déchiffrant "Allons, avant que midi sonne" extrait du Lakmé de Delibes. Sonore et tonique, l'ensemble vante fort bien les babouches qu'il vend sur le marché et il reviendra ultérieurement dans un tout autre genre, avec "Dors ! heureux Faust !", chœur des gnomes et de sylphes composé par Berlioz.
Les beaux petits timbres juvéniles et éclatants de la Maîtrise de Toulouse (récompensée l'année dernière) déploient alors leurs accents garonnais, parfaits pour vanter les Soleils composés en 1995 par Patrick Burgan. Leur maîtrise est à la fois harmonique et rythmique, tant ils s'épanouissent dans une œuvre aux accords complexes et aux polyrythmies étourdissantes. Il faut saluer comme il se doit leur travail et le choix de présenter une pièce contemporaine. L'accent vient aussi colorer Gershwin et la langue anglaise des comédies musicales. Une prestation qui se conclut par un tour de force : l'interprétation de mélodies hongroises signées Zoltan Kodaly, avec une remarquable justesse, ce qui permet aux riches harmoniques de s'épanouir (aussi bien dans le premier air rythmé, que sur la douce berceuse qui suit).
La Fondation a également fait venir de Copenhague la trentaine de chanteurs issus de la Chapelle Royale. Masculins (garçons en tenues de mousses, hommes en costumes nœuds-papillon) ils offrent un rythme tonique dans leur répertoire national, mais ils en présentent également la douceur des harmonies. Un petit groupe parti se percher en corbeille et noyé de lumière, prend alors l'apparence angélique que revêtaient déjà leurs voix. Leur tour de chant se conclut tout en douceur : Shining light brille aussi longuement que le riche souffle chuintant qui semble venir éteindre la bougie et les voix.
Le concert est alors l'occasion de retrouver deux spectacles très récents. Dix jours seulement après sa création à l'Opéra de Lille (notre compte-rendu), La Légende du Roi Dragon est narrée sur les planches de Favart par l'Atelier de jeunes chanteurs nordistes Finoreille. Jouant à domicile, La Maîtrise populaire de l'Opéra Comique offre ensuite un best-of de son dernier spectacle : My Fair lady (à retrouver détaillé ici dans notre compte-rendu), accentus rejoint la Maîtrise pour interpréter un chœur de Carmen, juste, en place et avec une rare qualité d'articulation qui permet de comprendre le texte de la quadrille (sauf sur l'entrée de l'espada, apparemment pressé de porter le coup de grâce).
Les réjouissances se terminent avec l'ensemble des interprètes pour La Flûte enchantée de Mozart, chantée en français : un remarquable clin d'œil à l'Opéra Comique, une salle dans laquelle étaient traduites et chantées en français les œuvres étrangères, notamment ce Singspiel allemand (terme qui désigne la forme chantée-parlée et qui se traduit justement en français par le terme opéra-comique). Le public finit alors inondé de cotillons et d'harmonies !