Jephtha de Georg Friedrich Haendel - À propos - Ôlyrix Haendel. La mélancolie introspective de Jephtha est aussi le témoignage d'un créateur qui devient aveugle, se renferme sur sa psyché (ce qui rappelle la puissance des dernières œuvres de Beethoven devenant sourd). Jephtha est marqué par l'abandon, le deuil, le recueillement. Jephtha est créé le 26 février 1752 au Théâtre Royal Covent Garden de Londres. L'Opéra de Stuttgart en produit une résurrection mise en scène en 1959,  la même année que l'Opéra de Paris.

Sujet Biblique 

Le thème est tiré du Livre des Juges de la Bible, un ensemble de récits davantage religieux qu'historiques (leur véracité est douteuse) compilés au milieu du 1er millénaire avant Jésus-Christ. Les Juges sont des chefs de l'armée d'Israël, en guerre contre les peuples voisins. Parmi ces juges figurent "Jephté" (qui inspire Jephtha de Haendel) ainsi que Samson et Abimelech (deux personnages du Samson et Dalila de Saint-Saëns). Le révérend Thomas Morell écrit le livret de Jephtha d'après le texte biblique ainsi que Jephthes sive Votum (1554) de George Buchanan. Thomas Morell a écrit les livrets de sept oratorios parmi les principaux de Haendel et a laissé à la postérité le plus important témoignage écrit de collaboration avec Haendel. Comme de coutume à l'époque (et jusqu'au XIXème siècle), le compositeur emprunte des thèmes à d'autres œuvres, en l’occurrence les six premières messes de Franz Habermann (1706-1783).

Oratorio 

L'oratorio se définit comme un opéra religieux sans mise en scène (ni costumes ou décors) avec orchestre, chœur, solistes (parfois un narrateur, notamment un Évangéliste). Avec Jean-Sébastien Bach (ses Passions ou son Oratorio de Noël), Haendel est reconnu comme un maître du genre (notamment avec Le Messie de 1742), également illustré par le baroque Schütz, les classiques Haydn, Beethoven, Mendelssohn ou Berlioz au XIXe siècle, et au XXe par Stravinsky, Honegger, ou encore Prokofiev. L'oratorio est une musique mêlant les genres et registres : opéra, cantate (suite de morceaux choraux et instrumentaux sur un thème sacré ou profane), motet (courte polyphonie), madrigal (polyphonie vocale a cappella). 

La Rappresentazione di Anima et di Corpo d’Emilio de Cavalieri composé dès février 1600 (pour la Chiesa Nuova de Rome) fait figure de premier modèle du genre oratorio. Les premiers chefs-d'œuvre sont signés Luigi Rossi et Giacomo Carissimi, celui-ci composant notamment un Jephte vers 1650, remarqué pour sa qualité chorale et basé sur la même histoire que l'opus de Haendel.


In medias res 

Du latin "au milieu des choses", en plein dans l'action : c'est ainsi que débutent les tragédies grecques et les drames à l'opéra. Le spectateur est emporté dans une intrigue qu'il prend en route, qui a déjà un mouvement. Jephtha embarque immédiatement le spectateur dans un conflit menaçant de disparition le peuple d'Israël.

Sacrifice 

Le père sacrifiant son enfant est présent dans plusieurs mythes européens et inspire des opéras, notamment Idoménée, roi de Crète de Mozart (Idoménée jure à Poséidon de sacrifier le premier être qu'il verrait sur le rivage de Crète : ce sera son fils Idamante) et Iphigénie en Aulide que son père Agamemnon veut sacrifier. Comme dans le mythe biblique d'Abraham et Isaac, un ange vient sauver in extremis Iphis, la fille de Jephtha, en échange, pour ce qui la concerne, d'une virginité éternelle dévouée à Dieu. Cette dernière, Iphis, renvoie également à une autre héroïne de Haendel : Theodora forte face à la mort, prête à se sacrifier par dévouement, à mourir à la place d'un autre.

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