Divo Diva au Théâtre des Champs-Élysées
Du latin divo, « divinité », Le Divo ou La Diva est un être d’exception, adulé par le public pour sa voix et ses talents extraordinaires. Les quatre solistes de la soirée semblent pouvoir être assimilés à ces divinités, chacun, cependant à sa façon.
La marque Bruno de Sá est une voix exceptionnelle de sopraniste (un homme chantant à la même hauteur que les sopranos) qu’il conduit assurément dans les vocalises extravagantes des deux airs qu’il présente en solo. Si durant le premier air (« Vorresti a me sul ciglio » de Porpora) la voix manque quelque peu de projection et semble se perdre dans le grave (il chante exclusivement en voix de tête), il l’incorpore assurément lorsqu’il est Aminta dans L'Olimpiade de Vivaldi. Le chanteur évoque les vicissitudes de l’amour à force de petits pas de danses, de déhanchés, de théâtralité réjouissante et navigue entre des sons poitrinés à outrance et des aigus flamboyants. Le Divo fait « sa diva » ! Cependant, il fait preuve également d’une grande délicatesse dans le duo « Son nata a lagrimar » extrait du Giulio Cesare de Haendel. Sa voix cristalline au vibrato rapide reflétant la fragilité du personnage juvénile de Sesto, se love dans les rondeurs de la voix d’Eva Zaïcik.
Ce qui frappe immédiatement à l’écoute de la mezzo-soprano est son timbre chaud à la vibration réconfortante et l’homogénéité sans faille des voix sur toute la tessiture : la divine voix de la Diva ! Derrière cette voix remarquée réside également une interprète sensible qui fait vivre intensément à l’auditoire les diverses émotions émanant de l’air de Farnace de Vivaldi « Gelido in ogni vena » (Dans chacune de mes veines je sens couler mon sang glacial). Sa voix, tout en préservant sa plénitude, revêt une grande douceur dans la désolation et la stupeur. La reprise de l’air gagne en intensité avec des élans dramatiques saisissants. En Diva accomplie, elle recueille l’ovation du public.
Le contre-ténor Christophe Dumaux lui, se présente dans une belle décontraction, les mains dans les poches, les baskets (chics) aux pieds et saluant le chef à son entrée : Un divo (ba)rock and roll ! Cette décontraction ne nuit aucunement à l’assurance stupéfiante avec laquelle il déclare être prêt à combattre les monstres les plus terribles pour prouver la force de son amour (« Fammi combattere » extrait d’Orlando de Haendel). Rien ne lui résiste et surtout pas les vocalises redoutables qu’il exécute vaillamment. L’intensité est maîtresse et l’accroche solide. Il fait également montre d’une grande sensibilité et d’une écoute fine dans le duo d’adieu « Io t’abraccio » extrait de Rodelinda de Haendel qu’il interprète aux côtés de Sophie Junker.
Cette dernière n’était pas initialement prévue au programme mais, comme les divas sont des humains comme les autres, elles ne sont pas à l’abri des virus en cours. Ainsi Sophie Junker remplace-t-elle au dernier moment la jeune chanteuse Lauranne Oliva souffrante. Soprano expérimentée, elle interprète « Ama e sospira » d’Alcina de Haendel d’une voix franche et assurée aux aigus florissants. Si le souffle semble parfois contraint (pour cause d’une grossesse très avancée) l’obligeant à de nombreuses prises d’air, elle apparait comme une interprète de haut rang et émeut dans le duo de Rodelinda. Elle chante également en duo avec Eva Zaïcik dans l’extrait de Mitridate de Porpora, les deux artistes harmonisant leur joie dans des vocalises brillantes.
Ce soir le public découvre à travers la personne de Thibault Noally qu’un Divo peut également jouer du violon tant ce dernier apparaît comme un interprète d'exception. Virtuose accompli, il affirme sa musicalité au cours du Concerto en ré majeur (RV 212a) de Vivaldi et il est rejoint par la talentueuse Mario Konaka pour le Concerto pour deux violons en la mineur (RV 522). Lorsque son archet devient baguette, il insuffle aux musiciens de son ensemble Les Accents une énergie équilibrée et des phrasés aérés.
De par ses chaleureux applaudissements dispensés tout le long de la soirée, le public semble bien subjugué par ces Divo et Diva qui offrent en remerciement deux bis les réunissant tous les quatre : « Anima del cor mio » de Vivaldi et « Madre non pianger tanto » de Porpora.