Les Volques à Nîmes, fantaisies pour Les Siècles des siècles
Un festival se caractérise par un lieu, une identité artistique, une ambiance. Le Festival Les Volques se tient à Nîmes, dans différents espaces, tous à deux pas des Arènes romaines. Le Festival est d’ailleurs nommé d’après le nom du peuple qui vivait dans la région avant l’invasion romaine, il y a des siècles. Son identité artistique est claire : de la musique de chambre, mettant en regard deux compositeurs séparés par les siècles, l’un vivant et l’autre appartenant à l’histoire. C’est ainsi que la programmation de cette année permet d’entendre George Benjamin (bien que le compositeur ait un catalogue de musique de chambre limité) et Mozart. Une large partie des artistes invités appartiennent à l’orchestre Les Siècles, fondé par François-Xavier Roth, qui n’est autre que le président du Festival, la programmation étant assurée par l’altiste Carole Roth. Cela joue sur l’ambiance : celle d’une bande d’amis, qui ont plaisir à jouer ensemble. Y compris en coulisse, à l’image de ce quatre mains improvisé par George Benjamin et Alphonse Cemin, leur sourire jusqu’aux oreilles témoignant de leur plaisir à « jouer » ensemble, entre deux concerts, dans le lieu de vie des artistes.
Le concert de ce soir, intitulé « Fantaisies », se tient à la Cathédrale de Nîmes, dont l’orgue majestueux au milieu des échafaudages (le lieu étant en cours de restauration) introduit et clôt le concert avec des œuvres de Mozart (par Thomas Lacôte et Adam Bernadac, tantôt évanescents, tantôt vifs et pompeux à souhait), dont le public entend également trois quatuors (en Do, Sol et La majeurs). Dans ces trois pièces, la flûte de Gionata Sgambaro séduit par sa clarté et sa douceur et le violoncelle d’Ariane Lallemand par sa profondeur dont les résonnances touchent directement. Le violon de Perceval Gilles y est fin et brillant tandis que le son chaud de l’alto de Carole Roth apporte sa structure harmonique à cet ensemble qui se connait bien, ce qui s’entend.
Deux pièces de Benjamin sont présentées au public. Upon Silence pour une mezzo-soprano et sept instrumentistes, et Miniatures pour violon seul, pièce « atrocement difficile » selon son créateur, avec son double-jeu simultané, en pizzicati de la main gauche pendant que l’archet joue largo. Si cette dernière pièce, interprétée par Isabelle Faust, est le clou de la soirée, avec ce moment suspendu durant lequel les pizzicati résonnent comme des gouttes d’eau tombant sur la ligne mélodique, la première est l’occasion d’entendre Sharon Carty (déjà invitée pour le concert de la veille).
Cette dernière est présentée comme mezzo-soprano, ce qui interroge, sa voix s’ancrant bien mieux dans l’aigu, doux et épanoui, que dans le médium ou le grave qui disparaissent dans l’immensité du lieu. Elle parvient à se détacher régulièrement de sa partition, regardant le public avec conviction et transmettant l’émotion par son vibrato rond et stable.
Pendant l’exécution de ses œuvres, George Benjamin, présent durant tout le festival, vit la musique, dodelinant de la tête avec les inflexions des lignes mélismatiques. Après chaque pièce, le public respecte de longs silences avant de compenser son nombre réduit (relativement au lieu immense) par un enthousiasme certain. L'an prochain, Antonín Dvořák et Ondřej Adámek seront à l'honneur : une tout autre Histoire.