Naples à Paris, c’est une académie
L’Académie du Teatro di San Carlo fut initiée par Stéphane Lissner dès le début de son mandat napolitain (il en fit de même à La Scala de Milan et à l’Opéra de Paris). Cette académie permet à de jeunes chanteurs de bénéficier d’une formation complète (technique, interprétation, musicologie, master-classes…) et de se confronter à la scène dans des petits rôles des productions de la saison lyrique du théâtre ou en participant à des concerts et des tournées.
Ce soir, le public parisien découvre ainsi cinq recrues ayant franchis la sélection du concours d’entrée (11 reçus sur 400 candidatures) dans un programme dédié exclusivement (à un Mozart près) au répertoire bel canto italien.
Si les airs choisis n’offrent pas de réelle surprise (s’enchainent les airs de Tosca, du Trouvère, de L'Élixir d'amour, de Lucia di Lammermoor…) , l’interprétation de ces "tubes" expose particulièrement les chanteurs de par leurs défis techniques hors contexte dramatique et incline la soirée d’avantage vers une succession de performances qu’une réelle fête musicale cohérente.
Cependant, le public découvre de nouvelles voix, de nouveaux artistes aux qualités indéniables qui, bien qu’encore sur le chemin de la formation, se trouvent aujourd’hui aux portes des scènes internationales.
La soprano ukrainienne Maria Knihnytska ouvre le gala avec la scène de la folie d’Elvire extraite des Puritains de Bellini faisant entendre immédiatement une voix homogène et souple ornée d’un rapide vibrato. Elle entre dans le son avec précaution et l’élasticité de son souffle accompagne les phrasés au service d’une émotion palpable révélant ainsi la fragilité des personnages. Si quelques imprécisions se font entendre dans le périlleux air de Gilda, les aigus sont cependant atteints délicatement et s’ancrent également puissamment aux cadences.
La soprano italienne Désirée Giove interprète les airs de Liu (« Tu che di gel sei cinta ») et de Tosca (« Vissi d’arte ») dans une rondeur sonore voluptueuse. Si le timbre corsé se déploie dans des phrasés généreux, la priorité donnée au beau son amenuise quelque peu les consonnes en même temps que l’intelligibilité. Néanmoins, l’auditoire est conquis par son ampleur vocale qu’elle préserve sur toute la tessiture.
La soprano arménienne Maria Sardaryan opte pour la performance des airs de la Reine de la nuit et de Lucia (air de la folie). Le tempo fougueux du premier révèle la colère du personnage, contraignant cependant la chanteuse dans l’aigu qui apparaît quelque peu enserré. Elle libère sa voix dans les coloratures du second, déroulant également un ruban de phrasé idoine au style bel canto.
Le ténor chinois Sun Tianxuefei touche par la délicatesse de son timbre dans « Una furtiva lagrima » (L'Élixir d'amour de Donizetti). Il s’appuie sur le texte afin de délivrer l’émotion de l’air, la justesse dans la cadence a cappella demeurant perfectible. Grâce à une accroche et des aigus assurés, il interprète « La donna è mobile » aisément, cependant, la projection contrainte amenuise quelque peu le côté bravache de l’air.
Le baryton italien Maurizio Bove, en plus d’une voix assurée, possède des talents de comédien qui réjouissent le public dans l’air bouffe de L'Italienne à Alger de Rossini. Si par instant il peut être couvert par l’orchestre (surtout quand il débite le texte rapidement), la voix s’impose majestueuse dans une projection brillante.
Ces jeunes artistes ont la chance de se produire aux côtés de l’Orchestre du Teatro di San Carlo qui, sous la baguette de Giacomo Sagripanti se révèle comme un véritable partenaire expert dans le style bel canto. L’art du phrasé est porté souverainement (notamment dans les trois extraits instrumentaux que sont les ouvertures de Don Pasquale de Donizetti et des Vêpres siciliennes de Verdi ainsi qu’un intermezzo extrait de Manon Lescaut de Puccini) et les respirations, les suspensions et les avancées s’harmonisent dans un équilibre constant.
La soirée s’achève avec deux bis, deux autres « tubes » : les chanteurs se répartissent les phrases dans La Danza de Rossini puis entonnent le Brindisi (chanson à boire) de La Traviata de Verdi dans un enthousiasme très mesuré, le champagne semblant gagner davantage le public qui applaudit chaleureusement les artistes.
Teatro di San Carlo @ Cité de la musique (@philharmonie) Famous arias and excerpts mainly from Italian operas (Donizetti, Bellini, Verdi, Puccini, and Rossini) sung by singers of the Academy of Teatro di San Carlo. Two energetic encores at the end! pic.twitter.com/T4YeAOefbg
— Palia Cerddoriaeth (@paliacerdd) 9 novembre 2023