Parlez-nous d’amours aux Concerts d’Automne de Tours
Le concert ici proposé replonge l’auditoire dans la richesse culturelle du XVIe siècle, en ce temps où la musique sacrée et son écriture équanime (planante, un peu statique) s’est enrichie, tout comme la musique profane de Cour, avec l’apport du Madrigal Italien et de genres correspondants dans les langues locales, ailleurs, comme la Chanson parisienne, notamment. L’usage de nouveaux procédés d’écriture, les “madrigalismes”, permettent de mieux figurer les actions et les passions, de mieux les traduire et les représenter, en sons (c’est ainsi le cas dans le programme de ce soir avec des entrées en riches imitations des voix les unes par les autres, ou bien encore des belles dissonances sur “Oh cœur de pierre dure… ”, dans O foible esprit de Roland de Lassus).
Le programme réunit ainsi des œuvres sacrées en latin (sur le Cantique des cantiques, livre de la Bible justement choisi car il célèbre aussi un Amour charnel) et des chansons profanes en français, chacun des trois compositeurs ici regroupés (Roland de Lassus, Josquin Desprez, Nicolas Gombert) ayant composé dans un style comme dans l'autre.
Les 11 chanteuses et chanteurs (3 par voix, mais 2 alti) de l’Ensemble Jacques Moderne allient leurs voix de manières équilibrées et les marient pleinement dans toutes les situations dynamiques, du pianissimo (et davantage) au fortissimo (et davantage), convoqués au gré de l’interprétation, mise en place par Joël Suhubiette. Le chef dirige avec discrétion, une grande précision, et dans une grande souplesse. La configuration du chœur se déploie d’abord dans l’église avant de rejoindre une disposition classique, frontale. Les configurations vocales varient quant à elle tout au long du concert, dans toute la palette d’effectifs. Le son général est très harmonieux, gracieux et chaleureux, avec un souci constant d’intelligibilité, très efficace pour une acoustique d’église. Les Chansons parisiennes dans une prononciation à l’ancienne reconstituée, apportent de savoureuses sonorités, plus incisives et mordantes. Le surprenant Hola Caron, de Lassus, marque les esprits en présentant le dialogue d’Orphée avec Caron, par deux chœurs d’hommes s’invectivant tour à tour. Enfin, le Mille regretz de Josquin s’impose comme le tube de la soirée, énoncé avec ferveur et intensité, dans des nuances dynamiques pourtant basses (Gombert en propose également sa version, à 6 voix, à l'agréable déploiement architectural).
L’auditoire, sous le charme de ces tendres paroles en musiques, fait un accueil enthousiaste aux artistes de l’Ensemble Jacques Moderne.