Bruno De Sá chante l’école napolitaine au Bayreuth Baroque Festival
Bruno De Sá est devenu une figure immanquable de cet événement devenu incontournable de la vie musicale, et de cette ville pourtant wagnérienne entre toutes. Après sa participation dans les deux premières éditions du Festival Baroque, avec un rôle plutôt secondaire dans Carlo il Calvo puis l’un des rôles principaux dans Alessandro nell'Indie l'année suivante (l'an dernier), l'artiste brésilien est cette fois invité pour un récital à l'église de l'Ordre Saint-Georges, aux côtés de l'ensemble Nuovo Barocco. Dans l’ambiance intimiste d'un concert aux chandelles, il défend des airs de compositeurs de l'école napolitaine du XVIIIe siècle (connue pour l’effervescence des castrats, dont la voix peut être de tessiture soprano).
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Le programme est divisé en deux parties, deux périodes de cette école (qui divise le XVIIIe siècle en deux moitiés) avec des noms tels que Vinci, Pergolèse, Porpora, Cimarosa ou encore Hasse, ainsi que quelques belles redécouvertes comme Giuseppe Sellitto, Francesco Durante, Tommaso Traetta ou encore Francesco Scarlatti (frère d'Alessandro et oncle de Domenico).
Bruno De Sá déploie pleinement sa voix claire et fraiche dès la première note. Il tisse des lignes droites avec finesse et tendresse, s'appuyant sur son intonation cristalline, d’une technique irréprochable. Le vibrato se fait doux et velouté, au service d'une musicalité délicate. Bien que les fioritures soient aérées et le timbre peu étoffé, son chant foisonne d'énergie et même de force dans les suraigus. Les vocalises sont parcourues avec aisance et brio, sa ligne souple et légère se projette facilement dans les méandres aigus de sa tessiture, comme elle s’installe aussi sur de solides graves. La lamentation est entonnée avec émotion et expressivité, le feu d’artifice vocal avec un rythme dansant mettant en valeur son impressionnante longueur de souffle.
L'ensemble Nuovo Barocco dirigé par le violoniste Dimitris Karakantas se démarque par un jeu électrique, finement ornementé et rythmique. Le programme des pièces instrumentales (sonates, concertos et symphonies) est savoureusement choisi parmi un florilège de talents méconnus. Les harmonies étonnamment modernes de Francesco Durante sont jouées avec beaucoup de couleurs et sensibilité, tout comme les passages impétueux de Traetta (à la basse obstinée) rendus avec haute précision et proportion sonore. Les cordes, grâce au clavecin, sont maîtres du jeu, creusant les extrémités des registres avec élan et finition dans le phrasé. Les quelques déséquilibres rythmiques retrouvent aisément leur juste chemin.
Bruno De Sá offre généreusement trois bis au public festivalier reconnaissant, et il conclut dans une atmosphère chaleureuse et intime en s’asseyant pour chanter le fameux “Ombra mai fu”.