Haydn au palais Esterházy, le « Versailles à la hongroise »
Le même jour, 250 ans plus tôt, l’impératrice autrichienne visitait ce palais Eszterházy et y assistait au nouvel opéra de Haydn, L’Infedeltà delusa. C’est cet esprit, et celui de Haydn, alors invité à résidence par le prince Nicolas Eszterházy (grand amateur de musique et lui-même joueur de viole de gambe baryton), que les musiciens de l’Orfeo Orchestra et les chanteurs visent à ressusciter ce soir devant les actuels prince et princesse Eszterházy, qui assistent eux-mêmes au concert.
L’Orchestre Orfeo, dirigé par György Vashegyi, est composé comme alors (excepté l’ajout d’un violoncelle) et les musiciens jouent sur des instruments d’époque, conformes à la volonté du Festival Haydneum de faire revivre les sonorités d’autrefois, et soulignant ainsi les richesses, les couleurs de la musique de Haydn, qui vibrent dans tout le salon Apollon (la salle d’opéra du palais ayant brûlé depuis). En guise d’ouverture de l’acte II, qui commence normalement par un récitatif, György Vashegyi choisit d’interpréter le finale de la Symphonie n° 72 de Haydn (proposant ainsi une structure d'ouverture plus traditionnellement symphonique et profitant du riche catalogue du compositeur). Il dirige son ensemble avec force et vitalité, mettant ainsi notamment en relief toute la tension dramatique de l’opéra.
Sandrina, la jeune fille amoureuse et contrainte d’en épouser un autre, est interprétée par la soprano Adriána Kalafszky. Elle présente une voix lumineuse, presque radieuse, dotée d’un très bon équilibre, avec un grand travail sur la diction et la précision. Mais surtout, elle marque par sa présence joyeuse, voire espiègle de temps à autre, une joie qui se retrouve là aussi dans son chant.
Le baryton Szilveszter Szélpál est Nanni, son amant. La voix est à la fois ronde et profonde, enveloppant le chant pour en tirer davantage les nuances certes sombres, mais aussi chaleureuses du timbre. Il est également bien engagé dans son rôle, n’hésitant pas à lancer des regards noirs à son rival, Nencio, lorsque celui-ci chante, et insistant, sans exagérer, sur le côté comique de son personnage.
Le ténor Zoltán Megyesi interprète, quant à lui, le rôle de Nencio. Le timbre est plutôt clair, la voix de bonne tenue, moins lestée que celle du baryton, mais il semble, surtout pendant le premier acte, trop forcer sur sa voix, au lieu de simplement laisser aller le chant.
Bernhard Berchtold est Filippo, le père de Sandrina, ténor également. La voix est moins puissante, mais le débit est bon, maîtrisé et appliqué – et surtout, elle est accompagnée d’une théâtralité encore une fois, retenue, mais amusante, presque cabotine, traduisant un plaisir à se saisir de ce rôle.
Enfin, le rôle de Vespina (proche de celui de Despina d'ailleurs), la sœur de Nanni, pièce maîtresse de l’intrigue, revient à la soprano Ella Smith. La voix est riche, parsemée de couleurs, de nuances solaires qui éclosent peu à peu tout au long des notes, la projection est nette, bien travaillée et surtout, elle possède manifestement une très bonne maîtrise de son chant. Son personnage, qui se déguise d’abord en vieillarde, puis en serviteur ivre, et en marquis prétentieux, lui permet de varier à la fois la souplesse et les hauteurs de la voix, démontrant ainsi l’étendue de ses possibilités musicales et théâtrales.
Les chanteurs se retrouvent tous en chœur au début et à la fin de l’histoire, qu’ils achèvent tous ensemble avec l’énergie et le dynamisme impulsé par la conduite du chef d’orchestre. C’est dans cette apothéose que se termine finalement l’opéra. Le public, ravi, remercie avec simplicité, mais enthousiasme tous les musiciens.
La soirée s’achève et les spectateurs sont invités à sortir dans la cour du palais pour découvrir, sur la façade centrale, un spectacle de jeux de lumières en contraste avec le ciel noir, le tout s’achevant par un feu d’artifice en l’honneur des 250 ans de l’opéra, de la musique de Haydn et de la visite de Marie-Thérèse.