Un bal : invitation au chant et à la danse par le Chœur Spirito au Festival Berlioz
« Un bal » : l’intitulé du programme est un clin d’œil à Berlioz. Il s’agit en effet du titre du deuxième mouvement de la Symphonie fantastique, morceau que le public a également l’occasion d’entendre dans sa transcription pour piano par Franz Liszt, sous les doigts experts de Guillaume Coppola. La pièce principale du concert reste cependant le cycle Liebeslieder-Walzer (valses de chansons d'amour) de Johannes Brahms, maîtrisé de bout en bout avec une diction exemplaire de l’allemand, en s’aidant des consonnes percussives pour marquer les rythmes de danse.
Les choristes sont au nombre de douze, trois par pupitre : d’un côté les basses énergiques et les ténors dont les couleurs de timbre variées s’allient agréablement, de l’autre les contralti bien en place, soutenant solidement l’harmonie. Il est à regretter en revanche qu’une voix de soprano se détache des deux autres avec un vibrato un peu trop prononcé dans le registre aigu. Mais l’expressivité de l’ensemble ne s’en trouve pas affectée.
La direction de Nicole Corti est savante et minutieuse, avec une palette de gestes variée pour indiquer la mesure, les nuances, les intentions, d’un simple mouvement de doigt parfois, court mais incisif.
Les deux pianistes se partagent les touches pour accompagner les douze choristes mais chacun aura bien sûr droit à son solo. Guillaume Coppola, d’abord, dans une interprétation de la Valse n°2 de Frédéric Chopin, tout en finesse et en rubato : retardant avec subtilité ses conclusions de phrase avant de les déposer dans l’aigu sur un timbre cristallin. Le jeu de Thomas Enhco, formé au jazz, est plus chaloupé, avec les poignets relâchés cascadant sur les touches. Il livre une improvisation à sa façon sur les Danses hongroises de Brahms : un long développement serti de blue notes (la note bleue typique du jazz, parachevant des accords sinon classiques) et de contre-temps, qu’il termine dans une fièvre enragée, martelant des accords et claquant du talon en enfonçant les pédales du piano.
Ce concert est également l’occasion d’expérimentations, à commencer par une transposition signée Bruno Fontaine de la Valse triste de Jean Sibelius, pour voix en onomatopées. Exploitant l’acoustique du lieu, les choristes vont se placer au fond de l’abside. La réverbération porte les accents mélancoliques de cette mélodie jusqu’au public. Thomas Enhco propose ensuite l’une de ses compositions sur le texte un texte de Ronsard, le fameux « Mignonne, allons voir si la rose ». L’œuvre sonne à la fois ancienne, dans l’harmonie en décalage des voix, et moderne dans la résolution en suspens des phrasés.
Pour terminer le concert, le chœur propose, en onomatopées toujours, la Valse n°2 de Chostakovitch, morceau bien connu que Nicole Corti offre donc en bis, avec la participation du public, ravi de ce moment privilégié avec les musiciens.