Hommage à Victoria de Los Angeles au Festival de Peralada
Le cadre solennel de l’église du Carmen, dans le parc du Château de Peralada, se prête à ravir au récital de ce soir, à la mémoire de la diva disparue en 2005, qui aurait eu cent ans le 1er Novembre de cette année. Núria Rial fait une entrée remarquée, entonnant a cappella le cantar del alma (chant de l’âme) du compositeur catalan Frederic Mompou, morceau qui donne son titre au concert. La forte réverbération du lieu enveloppe les accents de ce chant éthéré, empreint d’un dépouillement quasi grégorien. Le pianiste entre peu après pour déposer les accords égrainés. Le ton est donné.
La première partie du concert est consacrée au répertoire « étranger », avec des mélodies françaises et allemandes de Fauré, Ravel, Schubert et Mendelssohn, compositeurs chantés par Victoria de los Angeles (comme ses compatriotes de la seconde partie). Núria Rial s’y montre très à son aise, élançant ses phrasés au legato souple jusqu’à l’aigu cristallin filé sans vibrato. Son grave est un peu moins brillant, assourdi il est vrai par l’acoustique de la salle, mais il gagne en lustre au fil des morceaux. Si sa prononciation du français est peu intelligible, elle compense par la plasticité expressive de son chant, soulignée par une gestuelle théâtrale tout en subtilité.
Ruben Fernandez Aguirre s’illustre au piano par son jeu attentif et mesuré. Très expressif lui aussi, il semble se laisser posséder par son jeu, accompagnant le corps penché sur son clavier la moindre note déposée dans l’aigu. Il aura l’occasion de briller sur ses deux soli : la Marche funèbre d'une marionnette de Charles Gounod et la Vals de Mirentxu de Jesús Guridi, deux pièces interprétées avec une énergie débordante qui emplit toute l’église d’un son riche et bien délié.
La seconde partie du récital présente des pièces de la péninsule ibérique, avec des mélodies en castillan, catalan et portugais (Ai, que linda moça tirée des six chansons portugaises d’Ernesto Halffter, morceau d’une tristesse déchirante très applaudi par la salle). Frederic Mompou est à nouveau mis à l’honneur, mais aussi Enrique Granados, Eduard Toldrà, Xavier Montsalvatge. Enfin, le public a l’occasion de découvrir une composition inédite de Bernat Vivancos, intitulée Victoria : morceau insolite et mélancolique que Núria Rial accompagne elle-même avec des glissendi sur les cordes à vif du piano. Le compositeur est présent dans la salle et monte sur scène très ému pour remercier la chanteuse.
Ce programme plein d’émotions et de surprises musicales aura laissé une forte impression. Le public acclame chaleureusement les deux interprètes.