La semaine “Jeune public” du Chœur de l’Opéra de Bordeaux
La saison de la maison bordelaise est ainsi émaillée de rendez-vous légers et familiaux. Après des formes de musique de chambre en janvier, c’est au tour du Chœur de l’Opéra National de Bordeaux de se réinventer pour offrir une première expérience de concerts aux jeunes girondins. Deux rendez-vous sont ainsi lancés : une version -très- raccourcie et commentée de La Traviata, pour les enfants à partir de 8 ans et une forme plus originale à destination des 4-6 ans, autour du répertoire d’Arvo Pärt.
Verdi en version réduite
La première est une adaptation de forme assez classique, imaginée en novembre 2022 : une sélection de moments forts de La Traviata, entrecoupés d'interventions écrites et portées par le comédien Loïc Richard pour résumer l’action. Les chanteurs du chœur assurent l’essentiel pour ce public fasciné par la magie du lieu (le Grand Théâtre de Bordeaux, salle à l’Italienne du XVIIIe siècle) et du décorum de l’Opéra. La version raccourcie inclut des parties de chœur, choisies dans les moments emblématiques du livret (Libiamo, Zingarelle entre autres), mais aussi de quelques airs solo (de Germont et Traviata notamment). Pour porter les rôles solistes, plusieurs chanteurs s’extraient du chœur le tout assumé comme une initiative de vulgarisation bienvenue, avec clarté théâtrale et musicale également au piano de Martine Marcuz. Le public familial, heureux de ce premier contact avec l’univers de l'opéra, applaudit avec ferveur tous les acteurs du spectacle, comme pour un soir de première.
Une expérience originale
Pour le deuxième concert, le Chœur de l’Opéra de Bordeaux a trouvé une formule novatrice. Dans le but d’offrir une expérience sonore immersive à son jeune public, l’installation prévoit des coussins de toutes tailles disposés pêle-mêle sur le parquet, sous les dorures très Second Empire du Salon Boireau. Dans ce même espace, trois podiums accueillent à la fois l’orgue positif (Martin Tembremande), les percussions (Alexis Duffaure) et évidemment le chef de chœur, Salvatore Caputo.
Après une version pour orgue de Spiegel im Spiegel, le chœur entre silencieusement pour faire entendre les longues plages sonores de ce programme Arvo Pärt, entourant la cinquantaine de spectateurs (jauge volontairement réduite) venus assister à ce moment suspendu. Pour ne pas dépasser la demi-heure, Salvatore Caputo a choisi trois pièces : Da Pacem Nobis, De Profundis et Salve Regina. Trois partitions qui, si elles relèvent de la même écriture du temps long propre à Pärt, donnent à entendre des ambiances très différentes.
La prestation du chœur est ainsi saluée, lui qui en quelques jours est capable de passer du très lyrique Verdi à une esthétique radicalement opposée, imposant des voix plus droites et un timbre plus éthéré. Les quintes entre ténors et basses sonnent très juste, et les dissonances sont intelligemment restituées par les pupitres féminins. Hors de sa zone de confort habituelle, ce chœur d’opéra se montre à l’aise. Ainsi interprétée, l'œuvre méditative et inspirée d’Arvo Pärt a visiblement su captiver ce public d’un jour, qui certainement, n’avait jamais rien entendu de tel.