Le Sicilien ou l'amour peintre : Molière et Lully à L'Autre Scène du Grand Avignon
Molière et Lully rassemblent ici les codes de la comédie de cour à la française avec son intrigue amoureuse et ses modes d’expression, le tout en à peine une heure (et pour cause, Le Sicilien ou l'Amour peintre fut ajouté pour la Saint-Valentin de 1667 en quatorzième entrée à l'immense Ballet des Muses organisé pour Louis XIV au château de Saint-Germain-en-Laye).
La mise en scène de Vincent Tavernier présente ici avec simplicité la dimension joyeuse et franchement comique de cette œuvre. Le décor de Claire Niquet est constitué d'une petite maison qui rappelle immédiatement les masures provençales (ou plus exotiques) avec son style typique et sa couleur ocre. Les lumières de Carlos Perez dessinent le ciel dégagé et le beau temps du Sud, en harmonie avec les costumes très colorés signés Erick Plaza-Cochet.
Quatre rôles sont confiés à des comédiens. Adraste est interprété par Olivier Berhault avec sa voix douce, charmant, par son énergie et son charisme, le public ainsi que la belle Isidore (qu'il tente de libérer depuis des mois en faisant le guet devant la maison du Sicilien Don Pèdre et en se faisant passer pour un peintre français). Isidore, esclave grecque, est incarnée par Marie Loisel avec fraîcheur et candeur. Pierre-Guy Cluzeau offre une interprétation très expressive et cocasse du Sicilien Don Pèdre. Enfin, le malicieux valet Hali a l'air enjoué et dynamique de Benoît Dallongeville.
Le ténor Clément Debieuvre chante en haute-contre le musicien Philène, le premier Turc et l’un des Maures, d'une voix claire et chaude, avec un timbre épais et des aigus soutenus très aisés. Il sait lui aussi donner une qualité de comédien à ses personnages, attirant l'attention du public comme de Don Pèdre à plusieurs reprises (facilitant le stratagème lorsque le jeune Adraste s’entretient avec son Isidore).
Le musicien Tircis, le deuxième Turc et l’un des Maures sont interprétés par le baryton François Joron, ici dans la fonction de taille. Il fait montre d’une voix solide avec un vibrato précis le démarquant dans les ensembles. Cependant sa voix se perd par moments, légèrement, et ne résonne pas assez dans la salle. Le berger, le troisième Turc et l’un des Maures sont assurés par le baryton-basse François Héraud, ici dans la fonction de basse-taille, avec une voix ronde et une projection qui lui permettent de s’imposer sur scène.
Le quatuor d'instrumentistes du Concert Spirituel (dirigé par Hervé Niquet) tiennent également leurs rôles, de musiciens apportant allègre vitalité, mais aussi de figurants se joignant discrètement aux comédiens et aux chanteurs. Adeline Lerme et Artur Zakirov, danseurs de la Compagnie L’Éventail, parachèvent l'ensemble dans les chorégraphies de Marie-Geneviève Massé mais aussi par leurs expressions faciales confirmant le plaisir ambiant.
Cette représentation (dédiée comme les autres de cette production à l’amie et hautboïste du Concert Spirituel, Laura Duthuillé) reste constamment dynamique, continuant de chanter et de danser y compris durant les longs et joyeux applaudissements.