Véronique Gens et Sandrine Piau, flamboyantes Rivales en récital au TCE
Le Centre de Musique Baroque de Versailles et son Directeur du pôle artistique Benoît Dratwicki démontrent une nouvelle fois la richesse de leurs travaux, exhumant des partitions inédites qui constituent notre patrimoine musical, et en l'occurrence ce programme intriguant. À part le célèbre "Divinités du Styx" tiré de l’Alceste de Gluck, Sandrine Piau et Véronique Gens font redécouvrir des pages au goût d'inédit, de Grétry, Gossec, Dalayrac, Edelmann ou Sacchini.
Le Concert de la Loge, ici en grand effectif avec cordes, bois et cuivres, virevolte et fait des étincelles sous l’impulsion de son chef. Julien Chauvin dirige depuis sa place de premier violon, et donne à son ensemble un souffle et une carrure éloquents et appréciés. Toutes les phrases sont pensées, restituées avec un très large éventail de nuances, des contrastes saisissants dans les couleurs, des ruptures de rythmes bien amenées et jamais déplacées, une homogénéité dans les pupitres et dans la polychromie d’ensemble, le tout avec une complicité notable entre tous les musiciens. Cette rigueur et cette souplesse font mouche notamment dans le finale de la Symphonie n°82 dite "L’Ours" de Haydn avec ses montées en puissance vertigineuses et des moments primesautiers et printaniers très apaisants.
Sandrine Piau déploie ici son soprano radieux et léger avec une suavité et une douceur constantes. Déroulant les vocalises hardies avec une facilité confondante, elle laisse éclater sa quinte aiguë avec finesse et précision. Mais avec les années le médium s’est étoffé également, donnant du caractère à ses accents plus dramatiques, comme dans le Thésée de Gossec. À tel point que dans les duos les deux timbres pourtant assez distincts se mêlent d’une coloration sombre assez inattendue.
Véronique Gens donne libre cours à la majesté de sa tessiture et à la largeur de son médium sans bouder son plaisir. Ses facilités évidentes de tragédienne saisissent l’auditoire par un simple regard ou un geste du bras, sans avoir nul besoin de l’apparat d’un costume et d’un décor en lumière pour faire effet, en particulier avec l’Ariane dans l'isle de Naxos d’Edelmann, où un frisson parcourt la salle lorsqu'elle déploie des montées dramatiques, foudroyantes et implacables. Le volume, certes impressionnant, est toujours maitrisé et la diction irréprochable mais surtout porté par l’intelligence des phrasés et la musicalité minutieuse.
Conquis par le métier de ces deux ambassadrices du chant français et par la vivacité des instrumentistes, c’est une franche ovation qui vient clôturer la soirée.
Irrésistible as always, the magnificent Gens/Piau ably accompanied by @concertdelaloge in unjustly unknown repertoire @TCEOPERA pic.twitter.com/91TIgaiu2v
— Simon Morgan (@SP_Morgan) 15 avril 2022