Passion Verdi à l’Auditorium de Bordeaux
Un nom rassemble ce soir les artistes et le public, Verdi, et la passion pour sa musique, passion qui n’est pas démentie par les applaudissements éclatants dont sont récompensés tous les musiciens en fin de soirée. Au programme, de l’opéra, des airs pour chœurs et pour solistes, ainsi que des passages pour seul orchestre, adaptés au piano avec Jean-Baptiste Fonlupt, qui ouvre le concert.
La première partie du concert lui est d’ailleurs consacrée et, à travers des retranscriptions faites par Liszt, le pianiste déploie un jeu véloce et vigoureux, ferme et précis, doté de la violence sous-jacente nécessaire aux paraphrases de Rigoletto ou d’Ernani, ou de la force vibrante de la danse sacrée et du duo final d’Aida. Il reviendra en accompagnateur, démontrant la même vigueur et la même attention au détail, après l’entracte.
La seconde partie du concert est ouverte par la jeune soprano Yae-Eun Seo, qui surgit sur scène toute guillerette, vêtue en homme, pour chanter Oscar d'Un Bal masqué. La voix joyeuse est ornée dans les aigus, le chant est bien rythmé, mais à peine apparue, la soprano s’en repart en courant de la scène pour se changer et revenir par la suite, cette fois-ci dans une robe couleur parme, en Violetta pour un "Sempre libera" clair et équilibré, interprété avec beaucoup de justesse et de précision. Le phrasé est délicat et le public profite avec plaisir de son timbre frais et cristallin. Hormis la gestion du souffle, qui lâche de temps à autre en fin de phrase, Yae-Eun Seo est une Violetta mesurée tout en restant émouvante, et il en est de même avec sa Gilda pétulante transportée de joie et de douceur.
À ses côtés, le baryton Thomas Dolié est tour à tour Ford, Giorgio Germont et le Marquis de Posa. Il apparaît, courroucé, dans un rude contraste avec l’Oscar guilleret de la soprano, pour l’air de Ford de Falstaff et le voilà déployant une voix riche, pleine d’expressivité et lourde de menaces, malgré une légère tendance à grimacer en chantant. C’est en Marquis de Posa qu’il convainc cependant le plus, en français qui plus est : la voix accueille la langue avec plaisir et souplesse dans la manipulation et la diction, avec une aisance et une grande justesse qui subliment l’émotion de la mort de Rodrigo. Dans son duo avec Yae-Eun Seo, Thomas Dolié est un Giorgio Germont bien sévère et si la tension est présente, manque quelque peu la connivence entre les deux personnages.
Le véritable héros de la soirée cependant, est le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux, qui se produisait d’ailleurs récemment dans l’Eugène Onéguine du Théâtre des Champs-Elysées. C’est en effet une soirée bien spéciale pour lui puisque, comme l’explique Salvatore Caputo (qui le dirige d’une main de maestro), quatre de leurs plus anciens membres s’en vont, laissant leur place à de nouvelles voix qui intègrent ce soir le chœur, chœur d'autant plus émouvant et ému dans ce concert de bienvenue et d’adieu. Il impressionne dès les premières notes avec Le Trouvère, provoquant d’emblée quelques frissons chez le spectateur. L’ensemble est parfaitement en accord, d'une superbe harmonie, dirigé avec fermeté et précision. Il est éclatant de couleurs avec les Zingarelle de La Traviata, sombre et noble dans "Patria oppressa" de Macbeth, souple et violent dans "Fuoco di gioia" d’Otello, particulièrement apprécié du public. La ligne est claire, les mots sont distincts et enfin, puissance, délicatesse et expressivité se rejoignent pour achever le récital sur "Gli arredi festivi" de Nabucco.
Pour le bis, les quatre désormais anciens membres du chœur (le ténor José-Luis Victoria, l'alto Maryelle Hostein, les sopranos Wha-Jin Lee et Isabelle Lachèze) rejoignent donc leurs collègues une dernière fois et tous ensemble, ils entonnent avec une vive émotion le tout aussi incontournable "Va pensiero" de Nabucco qui embaume toute la salle et achève ainsi cette soirée dédiée à Verdi.