L'instant lyrique de Barbara Hannigan et Momentum Salle Gaveau
Partageant ainsi la scène de ce concert avec trois autres solistes, Jeanne Gérard, Ema Nikolovska, Yannis François, et le pianiste Michalis Boliakis, tous jeunes artistes participant à ce programme, Barbara Hannigan ouvre le concert avec toute la force et maestria de son expressivité vocale. Chaque note traduit un engagement total dans tous les répertoires comme elle le confirme (avec son appétence pour le contemporain) en interprétant "Hymnen an die Nacht" (Hymnes à la Nuit) du compositeur Claude Vivier (1948-1983). Le répertoire varié lui permet de déployer ses talents d'actrice au service de la musique, par l'intensité et la précision de son phrasé et de son intonation.
Ce critère de sélection d'un répertoire riche, poétiquement et vocalement, inspire également l'ensemble des autres chanteurs dans une sélection variée parcourant le monde, les styles, les époques avec de grands noms, connus ou à re-connaître.

La jeune Ema Nikolovska, dotée d'une voix de mezzo-soprano lyrique au timbre chaud et velouté, ouvre son tour de chant par une dizaine de mélodies de Francis Poulenc. Son investissement dans le déploiement vocal et dans l'incarnation des textes croît progressivement, se développant notamment a cappella dans une mélodie traditionnelle macédonienne intitulée Sevdalino maloj mome. Ce moment intense et personnel, pour cette artiste macédonienne et le public, conserve son expressivité vocale et théâtrale, ce recueillement intense dans l'interprétation des chansons de la compositrice britannique Judith Weir (née en 1954).
La soprano Jeanne Gérard avec une voix très texturée, centrée et lyrique, déploie un aigu radieux, couvert et plein d'harmoniques. Elle aussi défend son répertoire national (français) avec maîtrise. Ses deux interventions sont consacrées à Reynaldo Hahn et Maurice Ravel, où elle exprime avec beaucoup d'aisance et de confort son énergie, tant vocale que théâtrale, dosée tout au long de sa performance.

La performance du baryton-basse Yannis François se distingue par son choix de répertoire très varié et dynamique, porté d'une voix jeune et profonde avec de grandes qualités de comédien. L'interprète fait rire, s'émouvoir et se mouvoir le public en chantant des œuvres de Joseph Bologne Chevalier de Saint-Georges (1745-1799), compositeur né en Guadeloupe comme le chanteur, ainsi que des œuvres de Stravinsky, Meredith Monk et Montsalvatge. Cette grande variété est portée par une aisance dans toutes les langues et articulations.

Le pianiste Michalis Boliakis accomplit un grand travail pour accompagner les chanteurs, avec toute sa -et leur- sensibilité musicale, dans chaque souffle et inflexion, avec une grande confiance. À son tour, il propose deux pièces en solo déployant sa musicalité et son identité, par la musique du compositeur et pianiste grec Manos Hadjidákis (1925-1994).
Le public ovationne chaleureusement les chanteurs et le pianiste permettant d'apprécier non seulement la maîtrise vocale et scénique de Barbara Hannigan mais aussi son engagement et sa générosité envers les nouvelles générations d'artistes pour la diffusion d'un répertoire peu entendu par le public.
