Purcell, Les Musiciens de Saint-Julien et Tim Mead envoûtent Vézelay
Henry Purcell est une incontournable figure de la musique anglaise et de son époque (le XVIIe siècle) avec plus de 800 œuvres, comme autant de trésors à explorer. Le flûtiste François Lazarevitch et ses Musiciens de Saint-Julien proposent cet après-midi, dans le cadre des Rencontres Musicales de Vézelay, un programme sélectionnant des œuvres abordant trois genres caractéristiques de cette époque baroque londonienne : la chanson, l’Ode, ainsi que les chants et les danses composées pour le théâtre.
Passionné et fin connaisseur de Purcell, le contre-ténor britannique Tim Mead charme le public dès sa première intervention O Solitude, my sweetest choice. S’adressant directement aux auditeurs en les regardant, sa voix se fait naturelle sur toute l’étendue de sa tessiture, de ses graves chaleureux d’alto à ses aigus lumineux et tendres, en passant par de suaves médiums. La souplesse et l’élégance de sa conduite vocale lui permettent une expressivité toujours fort bien équilibrée. Même ceux qui n’entendent pas l’anglais peuvent comprendre son texte porteur des plus doux sentiments, magnifiés par une très belle diction. Déjà, seuls les chaleureux applaudissements ramènent au monde réel. Entre de mémorables airs, le public est transporté par les vocalises légères du récitatif, avec des talents de conteur. L’interprétation du célèbre air du génie du froid What power Art thou extrait du King Arthur est des plus émouvantes, particulièrement lorsqu’il s’épanche sur « I can scarcely move » (Je peux à peine bouger) suivi de ses terribles « Let me, let me freeze again to death ! » (Laissez-moi, laissez-moi geler encore jusqu’à la mort !) qui vont droit au cœur.
Pour émouvoir autant, le chanteur peut compter sur l’ensemble des Musiciens de Saint-Julien, dirigé avec exigence et discrétion par François Lazarevitch. L’acoustique de l’église Saint-Germain-d’Auxerre à Vault-de-Lugny est toutefois aussi large que longue (sans doute en raison du projet avorté d’un lieu plus important), cette générosité empêchant l’auditeur d’apprécier pleinement l’agilité des musiciens. Néanmoins, les grands contrastes surgissent et donnent à la musique vitalité, voire dramatisme, bien dosé. Outre les accompagnements du chanteur, les instrumentistes font également entendre des danses et des contre-danses festives. Enthousiastes et très complices, comme le trahissent leurs grands sourires les uns envers les autres, les numéros instrumentaux sont de très agréables moments, lors desquels des spectateurs doivent parfois se faire violence pour ne pas taper du pied et se laisser complètement entraîner. Toutefois, les interprétations restent sérieuses et ne tombent pas dans la musique purement traditionnelle, bien que Purcell s’en soit inspiré largement.
François Lazarevitch jongle entre plusieurs flûtes faisant entendre leurs timbres différents et se mariant d’ailleurs très agréablement avec le hautbois de Lucile Tessier. Le public rend notamment hommage à la Fantasia upon a ground mettant en valeur la maîtrise instrumentale du chef au traverso. Si son instrument était plus sonore, surtout dans ses médiums, rivalisant avec les violons, il aurait toutefois permis d’apprécier bien davantage son aisance naturelle et sa virtuosité autour de ces variations sur basse obstinée. Outre la palette de timbres des violons et alto, notamment les agressifs sul ponticello (sur le chevalet) de l’air du génie du froid, la sensibilité du continuo est patente.
Chaleureusement applaudi, Tim Mead remercie, en Français, son public conquis en lui offrant son œuvre préférée de Purcell, le délicieux Music for a while qui lui vaut une standing ovation tout à fait méritée. Cédant à l’insistance, Les Musiciens de Saint-Julien offrent enfin des extraits de leur dernier enregistrement Queen’s delight, la chanson Drive the cold winter away et sa joyeuse contre-danse refermant ainsi le concert sur une note de musique traditionnelle qui sait plaire à un public envoûté.