Osez Haydn ! à la Cité-Musicale de Metz
Haydn mort ou vif ! Haydn est bien vivant dans ce programme par la vitalité de sa musique mais aussi par l'empreinte qu'il a laissée sur son siècle musical, ses contemporains & élèves. Le programme de ce soir met aussi à l'honneur Joseph Martin Kraus (lui et Haydn entretenaient une admiration réciproque). Haydn bel et bien vivant, même lorsqu'il fut pris pour mort ! victime de l'ancêtre d'une "fake news" au tout début du XIXe siècle : le concert propose ainsi l’émouvant Chant sur la mort de Joseph Haydn de
Cherubini (1760-1842), commandé après la nouvelle
erronée du décès de Haydn en 1805 (quatre ans avant son véritable trépas).
Ce concert Osez Haydn ! restitue donc la fidélité des filiations musicales autour du maître, il restitue également l'ambiance des concerts de l'époque qui alternaient allègrement différents mouvements de différentes œuvres, maîtres établis et découvertes, insérant des airs lyriques parmi des mouvements symphoniques.
Le Concert de la Loge rend ainsi hommage à l'époque du Concert de la Loge olympique (Julien Chauvin a refondé cet ensemble en 2015 pour ressusciter celui qui officiait en 1782-1789 mais la phalange moderne a dû se priver de son adjectif sous la menace du Comité international olympique qui revendique le monopole du terme "olympique" alors que ce CIO fut fondé en 1884, un siècle après le premier Concert en question). Hommage est aussi rendu au Concert Spirituel et à la voix dans ce programme riche en style(s).
Sous l’égide de Julien Chauvin, dont l’archet se transforme en baguette de chef à la battue énergique, le Concert de la Loge offre souplesse des cordes et rondeur des cuivres. Les musiciens solistes, entre autres le hautbois, sont soucieux de créer un unisson avec les timbres du plateau vocal, leur apportant un soubassement de choix. Solennité et recueillement s'unissent et introduisent les caractères, comme l’orgue prépare les solistes sur le Miserere de Johann Adolph Hasse. L’Ensemble Aedes préparé par Mathieu Romano propose un choral puissant. Les pupitres aigus longuement tenus trouvent leur pendant dans les voix de basses aux graves assurés avec justesse. Les solistes sont à l'unisson des phalanges et de leurs parties communes, où chaque voix se détache distinctement sans chercher à tirer la couverture.
Les trilles de Florie Valiquette sur le Paradisi gloria démontrent la solidité technique de la soprano. Dans ses autres interventions, les aigus, purs et clairs, pâtissent d’abord légèrement d’une articulation un peu laborieuse, bémol vite annulé après une reprise bien distincte. La mezzo-soprano Adèle Charvet passe avec souplesse de la voix de poitrine à des aigus chaleureux. Le timbre est doux ou puissant en intelligence avec le texte, l’articulation précise, la présence scénique assurée et déterminée.
Le léger accent flamand du ténor Reinoud van Mechelen n’entache pas le timbre adéquat et recueilli du Chant sur la mort de Joseph Haydn. En passant au latin, toute trace d’accent s’efface et les parties solistes du ténor s’offrent, sonores, claires et réconfortantes. Andreas Wolf séduit le public par l’équilibre de sa tessiture de baryton. Les graves, fermes, qui contrastent avec le motif aigu des cordes sur sa première intervention, s’articulent avec une grande netteté, laissant la place à des médiums très assurés, pour monter vers des aigus solides et projetés avec le même souci de netteté.
L’impression d’équilibre est confirmée, le chassé-croisé des œuvres et des tessitures, des cordes et des cuivres offrent une ovation dans la Grande Salle de l’Arsenal au plateau vocal et au Concert de la Loge qui a l’habitude des soirées triomphales en ce lieu.