Les Pêcheurs de perles, de la plus belle eau à Liège
Garantie d’une
approche esthétique aboutie et d’un lyrisme consommé, la présence
de Michel Plasson à la tête de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège a valeur d’authenticité notamment pour un ouvrage
quelquefois décrié (non par la qualité de la musique, mais plutôt
par une faiblesse relative du livret). Michel Plasson a d’ailleurs
enregistré Les Pêcheurs de perles avec les forces du Capitole de Toulouse, demeuré longtemps son fief d’appartenance, il y a déjà
30 ans. Il connaît intimement donc tous les méandres de la
partition de Bizet, ses faiblesses, mais plus encore ses magnifiques
envolées et ses pages divinement inspirées. Sa direction fait la
part belle aux nuances, aux couleurs et à la clarté, aux justes
effusions et aux développements mélodiques. Elle enchante
constamment, même si durant le premier acte, la lenteur des tempi
entrave un peu les chanteurs et les oblige à étirer certaines
phrases. Plus dynamiques, plus enlevés sous sa battue, les deux
autres actes s’animent volontiers et paraissent ainsi encore plus
chatoyants. Les chœurs, après un premier acte de fait moins
convaincant, plus hésitant, se reprennent au mieux ensuite.
Souligner une
fois encore toute la maîtrise technique d’Annick Massis n’occulte
pas le fait que sa musicalité, la beauté des aigus ou de la
demi-teinte, la variété constante de la ligne de chant constituent
l’apanage d’une cantatrice qui ne cesse de surprendre. Sa Leïla
toute de fraîcheur et de présence trouve en Cyrille Dubois un Nadir
à sa mesure. Dans un rôle abordé à Lille en 2017 et
enregistré sous la direction d’Alexander Bloch dans la foulée,
le ténor insuffle un charme profond, une sorte de candeur et
presque de vulnérabilité que son chant constamment élégiaque
traduit à merveille. Sa romance parle au cœur et dans les duos avec
Leïla, il développe avec sa partenaire une grâce vocale
qui émeut par la sincérité des accents et la plénitude qui émane
de leurs échanges, pur enchantement pour les auditeurs.
À leurs côtés,
le baryton Pierre Doyen incarne un Zurga de caractère, sûr de son
fait, mais aussi amoureux transi et à l’âme emplie de mansuétude.
La voix apparaît franche et nette, dotée d’un aigu assuré, mais
la ligne de chant est quelquefois un peu heurtée et sans toute la
souplesse ici requise. Patrick Delcour campe Nourabad, personnage peu
sympathique, avec toute la noirceur voulue, son habituelle autorité de jeu comme de voix.
La mise en scène
de Yoshi Oïda vise à l’essentiel dans son parti pris d’épure à
l’orientale. Conçue comme un flashback selon le point de vue de
Zurga -les deux héros s’enfuient avec sa bénédiction en début
d’ouvrage comme à la fin du troisième acte-, elle offre des
moments emplis de délicatesse au sein d’un décor unique,
parfaitement éclairé par Fabrice Kebour, au
détriment des aspects plus dramatiques qui ne ressortent guère,
c’est un peu dommage.
Pour autant, ces Pêcheurs de perles ravissent légitimement le public liégeois présent qui réserve une ovation passionnée à Michel Plasson et à l’ensemble des interprètes.