Gala Mozart et Haydn en ouverture des Concerts d'automne à Tours
En rendant hommage aux compositeurs amis et contemporains Haydn et Mozart, c'est dans l'esprit musical fin XVIIIe siècle que plongent allègrement Julien Chauvin et le Concert de la Loge (avec instruments d'époque, comme pour le pianoforte de Justin Taylor, copie d'un facteur viennois, 1792). Une époque, explique Julien Chauvin en s'adressant régulièrement et directement au public, durant laquelle les concerts étaient bien plus souples (longs) et moins engoncés, n'hésitant pas à proposer la moitié d'une œuvre tel jour et l'autre moitié le lendemain, faisant alterner, entrer et sortir divers solistes.
C'est exactement le cas en cette soirée d'ouverture du Festival Concerts d'automne. Les deux parties du concert sont ouvertes par une moitié de la Symphonie n°84 composée par Haydn (comme il l'avait déjà fait précédemment, le Concert de la Loge lance actuellement un concours pour trouver un surnom à cette symphonie), avant du Mozart et les entrées successives de Karina Gauvin et Justin Taylor.
Le Concert de la Loge suit le jeu très démonstratif, exubérant de Julien Chauvin qui dirige depuis son violon, se levant de son siège dans les grands élans comme il emporte l'enthousiasme collectif. Chaque pupitre suit cette cadence avec une dextérité permettant à l'ensemble d'être constamment accordé (en rythme, timbre comme en justesse). Chaque phrase s'élance vers de forts accents et de grandes nuances effaçant le début des phrases.
Il en va exactement de même pour la soprano Karina Gauvin, montant subitement en volume dans les vocalises avant de terminer sur un aigu aigrelet (se réduisant en harmoniques, il ne sonne plus sur la note). "Il est normal que l'orchestre submerge le soliste" explique Julien Chauvin en arguant des spécificités hétérogènes des instruments historiques. Il n'en reste pas moins regrettable que le pianoforte de Justin Taylor soit à peine audible et que Karina Gauvin soit parfois réduite au playback. Cependant, les intentions de la chanteuse sont aussi généreuses que le vibrato est large (un peu trémulant), l'ensemble s'appuyant sur une voix de gorge et de glotte centrale. Son sommet vocal se déploie dans la richesse de son grave et lorsqu'elle raconte l'histoire des airs avec son accent québécois, avant de les interpréter dans un italien investi.
L'équilibre des volumes et des intentions se retrouve pour la fin du concert réunissant tous les artistes sur le récitatif et aria de Mozart "Ch'io mi scordi di te... Non temer, amato bene" (Que je t'oublie... Ne crains rien mon bien-aimé). Le pianoforte se joint à l'orchestre et à la chanteuse comme Mozart aimait à le faire lui-même sur cet instrument. L'ensemble sonne comme une délicate boîte à musique et comme un concerto pour violon, pianoforte et voix.
De quoi ravir le public qui couronne l'ouverture de ce festival par de nombreux rappels et reçoit de la chanteuse un bis héroïco-comique dans lequel elle parcourt les rangs de l'orchestre avec un rire ensorcelé lyrique.