Gardiner grave un Cellini rehaussé d’or à Versailles
L’an dernier, l’Opéra Royal de Versailles présentait son Palais de marbre rehaussé d’or, décor du XIXème siècle tout juste restauré dans lequel Berlioz aurait dirigé son seul concert in loco. C’est logiquement dans ce cadre impressionnant que se tiennent les musiciens de l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique pour interpréter Benvenuto Cellini, œuvre majeure mais rarement donnée, que le maestro Gardiner entend réhabiliter.
De fait, sa passion se ressent dans chaque mouvement, dans chaque nuance impulsée, chaque flux et chaque reflux de ces grands élans berlioziens dont le torrent enfle peu à peu au fil des tableaux. Cette énergie, palpable dès l’ouverture interprétée debout par les musiciens, parcourt le spectacle et exalte la partition, se retrouvant aussi bien au sein du Monteverdi Choir ou parmi les solistes très investis dans la mise en espace dessinée pour l’occasion par le chef lui-même (prouvant au passage qu’une bonne mise en espace peut s’avérer plus convaincante qu’une mise en scène moyenne !). Les ensembles, si complexes rythmiquement avec les différentes actions superposées et contrapuntiques, sont exécutés avec une précision redoutable.
Michael Spyres se montre cabotin dans le rôle-titre, montant dans les hauteurs de sa tessiture avec panache durant l’essentiel de la soirée : s’il étouffe un aigu fatigué dans sa main à l’acte II, il relève le front et renforce sa présence vocale dans ses interventions suivantes, exposant sa voix très timbrée. Sa diction du français est appliquée, bien qu’il mâche parfois ses mots lorsque le texte lui fait défaut. Sophia Burgos sait peindre une Teresa charmante et séductrice face à Cellini et vigoureuse durant son grand air où son timbre fruité s’épanouit dans d’agiles voltiges vocales, mais trouve ses limites, sans doute en partie inhibée par le stress, dans un jeu théâtral parfois maladroit, ou dans le volume des ensembles desquels elle peine à émerger. Elle cisèle de fins aigus, bien assis malgré tout. En Ascanio, Adèle Charvet dispose d’une voix soyeuse, dont l’émission s’effiloche dans l’aigu. Elle interprète son air avec malice et vitalité, d'une voix projetée avec conviction.
Lionel Lhote s’amuse en Fieramosca, grimaçant, boudant, trébuchant, se gargarisant, maniant avec succès le comique de répétition, l’absurde et la farce. C’est en revanche avec un grand sérieux qu’il sculpte son interprétation musicale, avec précision, façonnant des volumes aussi bien dessinés dans le grave que dans de fougueux aigus. Maurizio Muraro, interprète de Balducci, dispose de la profondeur et du souffle requis, ainsi que d’une largeur vocale suffisante pour faire face à l’imposant orchestre. La ligne vocale manque toutefois de musicalité, tout comme la prononciation du français manque de précision. La basse Tareq Nazmi peint un Pape abruti, s’endormant sur l’épaule du chef d’orchestre. Pour autant, il sait se montrer terrible ou léger vocalement, maîtrisant un instrument structuré au timbre brillant, qui sert une diction impeccable du français.
Alex Ashworth est un fier et charismatique Pompeo malgré la brièveté de son intervention, clair de voix et de diction. Vincent Delhoume et Ashley Riches sont de joyeux compagnons (Francesco et Bernardino), à la diction appliquée. Enfin, Peter Davoren est un Cabaretier joyeusement et musicalement faux, mais théâtralement juste.
La troupe achève dans de chaleureux applaudissements une tournée déjà passée par La Côte-Saint-André, Berlin et les BBC Proms de Londres. Prochain événement majeur à Versailles : la redécouverte de Richard Cœur-de-Lion de Grétry dans un mois (à réserver ici).