La Vie Parisienne, invitation dans le Grand Monde en Avignon
2019 marque en effet le 200ème anniversaire de la naissance d’Offenbach mais aussi les 100 ans du Théâtre du Petit Monde, fondé en 1919 par Pierre Humble ("l'ami des enfants"). Directeur artistique depuis 2009, Nicolas Rigas a choisi cette œuvre pour réunir chant et théâtre, tout en les ouvrant à un public divers et varié, s'appropriant pour ce faire les trois versions de l'opus (données à Paris, Vienne et Bruxelles) dans une optique très théâtralisée. Ajoutant même une touche d'exotisme dans cet esprit ludique, les rôles du Baron et de la Baronne sont remplacés par un Sultan et une Princesse.
La production compense son petit budget par son organisation huilée, une chorégraphie de la frénésie parisienne avec des personnages aux multiples facettes, toujours dynamiques. Les chanteurs enchaînent ainsi les notes, les répliques et les pas de danse endiablés (de Caroline Marcadé), jusqu'aux acrobaties étonnantes exécutées par le cascadeur Romain Canonne (dans le rôle d’Alphonse). Un défilé de costumes colorés et (d)étonnants (Nicolas Aubagnac et Fabienne Lozano) donnent du relief au comique visuel et musical, qui va crescendo.
Formant une troupe assurée et complice, les interprètes alternent entre solistes et chœurs, avec une grande franchise. Le jeune ténor Mathys Lagier propose un Gardefeu pétillant et dynamique au timbre coloré mais avec parfois quelques retenues et une application très scrupuleuse (marquant certes des marges de progression en même temps que son potentiel). Son camarade Bobinet charme visiblement le public par son efficacité théâtrale précise et convaincue, portant une voix souple et suave : le comédien Martin Loizillon tient ce personnage avec malice, une voix claire et juste, plaisante à l'oreille par ses déliés.
Au cœur de la mêlée théâtrale, la mezzo Florence Alayrac confronte sa souplesse théâtrale à deux caractères différents : d'un côté, une Métella séductrice et provocatrice, de l’autre, une Pauline comique et expansive à souhait. Avec une voix généreusement portée dans les graves et médiums, le chant parcourt un ambitus fluide, cependant les aigus sont un peu étouffés.
Faisant également partie de cette folle aventure qu'il ordonnance, Nicolas Rigas est un Baron/Sultan assuré et pittoresque du début à la fin. D’une énergie débordante, il se montre bienveillant avec tout son beau monde, entraînant une dynamique continue, d'autant que sa voix imposante et ancrée, aux accords chaleureux, accroche le soutien comme le public. Son associée, la Baronne/Princesse est interprétée par la soprano Antonine Bacquet avec finesse et élégance, d'une voix seyant à sa caractérisation charmante, notamment avec des aigus contrôlés et clairs. La soprano Amélie Tatti est une Gabrielle éclatante, confiante dans ses actions, son timbre naturellement perçant et léger qui se projette jusqu'en un élan parmi le public dans le fameux air « Je suis veuve d’un colonel ». Dans le rôle du Brésilien et du Bottier, le ténor Olivier Hernandez assure le jeu scénique avec aisance et charisme, en revanche la voix manque de projection dans les aigus un peu nasalisés et écrasés. Joseph et la farfelue douairière de Quimper-Karadec donnent à Salvatore Ingoglia une occasion de montrer ses effets de voix comme de costumes burlesques, pareillement colorés. Enfin, Nicolas Aubagnac est un urbain assuré et de caractère.
La (toute) petite formation musicale de trois instrumentistes qui accompagne cette production se montre à l’écoute et fiable.
C’est à une salle pleine et enchantée que la troupe du Théâtre du Petit Monde offre ainsi cette occasion de savourer la musique d’Offenbach, dans sa nature festive et vivante.