Récital Dessay & Friends à la Philharmonie : une soirée trois étoiles
Natalie Dessay, Laurent Naouri, Natalie Dessay, David Stern © Grandes Voix
L’affiche donnait déjà envie. Trois des plus grandes stars lyriques internationales réunies sur une même scène sous la baguette de David Stern : Natalie Dessay, son mari, le baryton-basse Laurent Naouri et la mezzo-soprano Karine Deshayes. Le programme était d’ailleurs savoureux : les Nuits d’été, mélodies d’Hector Berlioz, en première partie, avant un recueil d’airs mozartiens extraits de la trilogie da Ponte et de la Flûte Enchantée.
Le résultat est à la hauteur des attentes. C’est l’hôtesse de la soirée, Natalie Dessay, qui ouvre la soirée d’un clin d’œil complice au chef David Stern. D’emblée, l’interprète pétille et offre au public des trésors de nuances pour sa « Villanelle », une magnifique ode au Printemps de Théophile Gautier. Sagement, Laurent Naouri prend sa place pour le « Spectre de la rose » et « Sur les lagunes ». C’est l’un des grands moments de la soirée. Sa parfaite prononciation s’allie à merveille à son expressivité. La chaleur de ses graves déchire le cœur (notamment dans la strophe « Sur moi la nuit immense s’étend comme un linceul ») et la finesse de ses aigus élève l’âme. Vient alors Karine Deshayes pour « Absence » et « Au cimetière ». La finesse de son interprétation et sa maîtrise des vibratos fait merveille. C’est Dessay qui clôt alors cette première partie par une interprétation de « L’île inconnue », mélodie qui surexploite ses graves, l’empêchant parfois de chanter avec une puissance suffisante pour survoler l’orchestre. Son enthousiasme, qui se traduit dans sa gestuelle, reste intact et l’on prend malgré tout un grand plaisir à l’écouter.
La seconde partie est introduite par un étrange arrangement du Menuet de Don Giovanni, heureusement dirigé avec brio par David Stern qui fait preuve d’une grande finesse dans les choix de ses tempi et de ses nuances. Chantant en même temps que ses interprètes, il sait les mettre en valeur, notamment grâce à une complicité que l’on ressent depuis la salle. Deshayes connaît alors un triomphe avec son air d’Elvira, « Mi tradi ». Très à l’aise dans ce répertoire, elle y met une grande intensité, offrant une puissance vocale impressionnante, y compris dans ses aigus lumineux. Son duo avec Dessay (« Canzonetta sull’aria » extrait des Noces de Figaro) est magique. La salle retient son souffle, un frisson général parcourant l’assemblée.
Karines Deshayes, Laurent Naouri, Natalie Dessay et David Stern sous les applaudissements © Grandes Voix
Le comédien Naouri, très sage jusque-là, débute alors son show, jouant avec les musiciens de l’orchestre et prenant un plaisir manifeste à chanter Guglielmo ou Alfonso (Cosi fan Tutte), le Comte (Les Noces), Don Giovanni ou Papageno (La Flûte enchantée). Regards malicieux, mimiques entendues, pas de danse ou jeux de scènes avec ses partenaires, le baryton s’amuse et le montre bien, prenant le spectacle à son compte. Quittant l'estrade quelques instants, il laisse la place à son épouse pour un air de Pamina grandiose. La délicatesse de l’interprétation est renforcée par la puissance de ses aigus sur le très complexe « So wird Ruh’ im Tode sein ». La puissance et l’agilité de ses vocalises se retrouvent d’ailleurs également dans son duo suivant (« Bei Männern » extrait de la Flûte enchantée). Le temps pour Deshayes d’impressionner de nouveau dans le trio extrait des Noces (« Susanna, or via, sortite ») et la soirée se termine sur un suave « Soave sia il vento », trio extrait de Cosi fan tutte.
Seul bémol de la soirée, l’absence d’originalité dans les rappels : le duo de Papageno et Papagena (la Flûte enchantée), brillamment transformé en trio, était annoncé dans le programme et le « Soave sia il vento », bien qu’encore plus abouti que dans sa première interprétation, venait d’être entendu. A Laurent Naouri qui évoquait la rareté des trios adaptés aux artistes présents (y compris au sein de l’orchestre), nous aurions envie de proposer des idées pour une prochaine occasion !