Expressive et admirée Emöke Baráth à la Chapelle de la Trinité à Lyon
Dans l’écrin aux marbres roses et noirs de la Chapelle de la Trinité de Lyon, Les Grands Concerts proposent un récital de précieuses cantates italiennes du XVIIe siècle. Le programme est construit autour de l’œuvre de la compositrice Barbara Strozzi (1619-1677), dont on célèbre cette année les 400 ans. Fille du librettiste Giulio Strozzi et digne élève de Francesco Cavalli (1602-1676), cette musicienne talentueuse ne manqua pas de perpétuer l’art de la cantate profane de son maître. La maîtrise et la finesse de son écriture vocale influencèrent sans aucun doute d’autres compositeurs, tels Pietro Antonio Cesti (1623-1669) ou Georg Friedrich Haendel (1685-1759), qui tous deux firent connaître la cantate italienne au-delà des Alpes. Si l’amour est un sujet inépuisable dont les compositeurs baroques étaient assurément friands, les terribles et profondes souffrances de ce puissant sentiment suscitent des airs d’une émotion rare.
Pour défendre cette intense expressivité avec toute la maîtrise technique que ces musiques requièrent, la soprano Emöke Baráth se montre immédiatement intense dans Lagrime mie (Mes larmes) extrait du recueil Diporti di Euterpe de Strozzi, par sa séduisante présence scénique et son assurance vocale. Le timbre naturel est fruité, les aigus soyeux, les envoûtants médiums graves, ronds et charnus. Sa technique lui permet une aisance ornementale, étincelante et fière dans « Vanne interpido » (Va sans peur) extrait de Statira, principessa di Persia de Cavalli. L'interprète n’est pas avare en expressivité, par ses gestes retenus, ses regards communicatifs ou piquants, au service d'une diction ciselée de l’italien.
L’ensemble Il Pomo d'Oro soutient la soliste avec équilibre et justesse, dans une attention constante et une homogénéité soignée. Les musiciens ne sont toutefois pas en retrait, participant également à l’expression du discours musical par la finesse des couleurs proposées, un jeu très investi, le grain des cordes, et leurs sautillés de tendresse. La direction attentive de Francesco Corti, depuis son clavecin, renforce assurément cette cohésion. Les œuvres instrumentales de Cavalli, Cesti, Tarquinio Merula (1595-1665) et Alessandro Stradella (ca.1643-1682) encadrent les airs par la virtuosité des neuf instrumentistes, particulièrement les deux violonistes.
Pour prolonger le plaisir, Emöke Baráth et Il Pomo d'Oro offrent en bis un extrait de La Calisto de Cavalli, « Non è maggior piacere » (Ce n’est pas un grand plaisir), dont la démonstration de souffle et de vocalises encourage encore davantage l’admiration du public, qui a alors droit à l’espiègle « Cresce il foco avvampa il core » (Le feu enflamme le cœur) extrait de Statira de Cavalli, qui finit par de farceurs pizzicati.