Vous souvenez-vous ? : invitation au voyage dans le passé avec Jean-François Novelli et Maude Gratton
C’est une expérience assez inédite qu’offre le duo savant et facétieux Novelli-Gratton, à travers ces 24 mélodies enregistrées en 2021 dans le chai d’un vignoble d’Épineuil. L’environnement naturel (des chants d’oiseaux s’entendent en arrière-plan), la légère réverbération du lieu, ainsi que l’emploi de deux pianos Érard de 1848 et 1900 concourent à donner à cet enregistrement une couleur « rétro » et authentique, qui sert pleinement le propos du disque. Comme l’explique le livret d’accompagnement, très complet, il s’agit de faire entendre et découvrir l’esthétique à l’ancienne chère aux compositeurs français du début du XXe siècle : Gounod, Fauré, Saint-Saëns, mais également leurs contemporains moins connus tels qu’Eugène Sauzay ou encore Raoul Laparra. Les époques s’enchâssent : l’Antiquité qui inspire les auteurs de la Renaissance, inspirant à leur tour poètes et compositeurs de l’époque moderne. Enfin, une place est laissée à la création contemporaine avec trois œuvres inédites de Juliette, Xavier Béraud, et Édouard Ferlet, qui met en musique une « Eurydice » sur un texte de la violoniste baroque et écrivaine Léonor de Recondo, également autrice d’une fiction mythologique en accompagnement du livret.

Jean-François Novelli prête à ces mélodies sa voix à la netteté incisive, à l’aigu lumineux et au médium grave patiné et vibrant. Sa phonation bien centrée dans le masque et les sinus lui assure une diction précise, rebondissante sur les consonnes, ainsi qu’un timbre éclatant. Jamais tranchant toutefois car il prend soin de l’amortir en arrondissant ses notes, comme pour les aspirer ou bien les conduire en voix-mixte aérienne, bien teintée. Tout cela instille à son chant une expressivité variée, allant de l’ardeur primesautière au sentiment contenu.
Experte du répertoire ancien et de ses instruments, puisqu’elle est également claveciniste, organiste et pianofortiste, Maude Gratton met en valeur les deux pianos Érard, exploitant avec subtilité leurs vibrations cuivrées et leurs échos feutrés. Son jeu au toucher soigneux, habile, nuancé, éclatant sur les notes accentuées, est particulièrement mis en relief par la prise de son intimiste d’Aline Blondiau, laissant même entendre parfois le bruit de soufflet d’une pédale relâchée en fin de morceau.

La complicité entre les deux interprètes est dévoilée dans une pièce intitulée « Sérénade... environ » écrite par Juliette, qui apporte une touche d’humour et conclut le voyage dans le passé par un retour à l’époque présente. Un disque plein de surprises et de nostalgie, pour le plus grand plaisir des curieux et amateurs du charme de l’ancien.