À Vichy, de réjouissants et poétiques “Mots d’Amour” chantés par Anne-Marine Suire
Nichée là aux portes des parcs de Vichy, non loin des établissements thermaux et du lac d’Allier, dans l’une de ces demeures de caractère qui font le charme de la cité auvergnate, la Villa Marguerite a ouvert ses portes en 2017 sous l’impulsion de deux amoureux de la musique, Sylvain (tubiste à l’Orchestre des Siècles) et Fleur Mino (artiste lyrique vue notamment en 2018 dans un réjouissant spectacle sur Broadway au théâtre Trévise). Chaque année, de jeunes chanteurs viennent s’y produire en solistes ou en troupe, dans un répertoire mêlant les genres autant que les époques, de Mozart à Gershwin en passant par Offenbach. De ce dernier, deux opérettes (L'Île de Tulipatan et Monsieur Choufleuri), avaient d’ailleurs été programmés en ces lieux, avant qu’un vilain virus ne vienne, l’an passé, mettre un frein à l’activité de la Villa. Aussi, pour maintenir un lien avec son fidèle public et continuer à faire vivre la musique, malgré tout, la Saint-Valentin est l’occasion pour cette jeune institution de proposer un e-concert (diffusé sur internet) sobrement baptisé “Mots d’Amour”. Et comme pour mieux honorer l’événement, c’est un vrai couple, à la ville comme à la scène, qui est invité à faire vivre un répertoire mêlant mélodies françaises, italiennes, et airs d'opéra.
Une voix pleine de fraîcheur
Aux côtés de son compagnon Emmanuel Christien, pianiste au jeu plein d’allant avec qui elle partage une évidente complicité, la soprano Anne-Marine Suire tire profit de chacune de ces pièces pour mettre en exergue un timbre aux exquises sonorités. Avec une sensibilité musicale remarquée et un sourire communicatif, la jeune artiste honore idéalement, de sa voix pleine de fraîcheur, l’esprit poétique de diverses mélodies de Fauré (notamment “Le Papillon et la Fleur”, inspirée de Victor Hugo, ou encore “Chanson d’Amour”, sur un texte d’Armand Silvestre). La musique de Reynaldo Hahn est aussi à l’honneur et, notamment dans le fameux air “À Chloris”, l’artiste dévoile avec d’autant plus de relief un timbre agréablement vibré et sonore, avec un phrasé joliment soigné à renfort de mouvements de bouche particulièrement expressifs. D’une voix toujours aussi enjouée et incisive dans la diction, celle qui s’illustra dans “La Chute de la Maison Usher” de Debussy il y a quatre ans (notre compte-rendu), aborde ensuite avec une pareille implication les courtes “Métamorphoses”, mises en musique par Poulenc sur des textes de la romancière Louise de Vilmorin.
Passant ensuite à un répertoire d'opéra, Anne-Marine Suire se glisse d’abord avec une candeur idéale dans les habits de la Juliette de Gounod, rôle dont le grand air “Ah je Veux vivre” est ici chanté à un rythme modéré mais avec une voix charmante, polie par un agréable vibrato. Vient ensuite Bellini, abordé dans un italien de bonne facture, et avec une gourmandise perceptible. D’abord dans de ravissantes mélodies interprétées avec tout l’entrain attendu et des nuances marquées à bon escient (“Malinconia Nifa Gentile”, “Per pieta bell’idol mio”), puis dans un extrait de La Somnambule. Là, en Amina d’un court mais joli moment (“Care compagne... Come per me sereno”), la soprano s’illustre une nouvelle fois par le fruité de son timbre, mais aussi par des vocalises hardies et par l’émission d’aigus ne manquant pas de relief.
Ce récital, d'autant plus apprécié par sa tenue en ces temps si particuliers, trouve une jolie conclusion dans un répertoire régulièrement mis en lumière par la Villa Marguerite, celui de la comédie musicale. “The Man I Love”, air de George Gershwin initialement écrit pour la pièce “Lady Be Good”, permet ainsi à Anne-Marine Suire de montrer un appétit certain pour ce registre là, davantage déclamatoire que véritablement lyrique. Et peut-être l’artiste y voit-elle l’opportunité de passer un message à son pianiste de compagnon, irréprochable de maîtrise, et dont les notes font aussi écho au répertoire lyrique dans cette pièce de Poulenc, “À la manière de Chabrier”, où le thème renvoie au grand air de Siebel (“Faites lui mes aveux”) dans le Faust de Gounod.