Affetti amorosi, disque d'airs de Frescobaldi par Le Banquet Céleste
Frescobaldi est en effet davantage célèbre par sa musique instrumentale pour orgue et clavecin. Cet album dédié à sa musique vocale s'ouvre ainsi par un léger accord égrené en cinq notes au luth invitant la voix de Damien Guillon (qui mérite elle aussi le nom donné à son ensemble de solistes vocaux et instrumentaux : Le Banquet Céleste, charnu et angélique).
Avec cette première piste, le contre-ténor et Directeur musical Damien Guillon offre une belle démonstration vocale, bien appuyée et sachant ainsi rayonner, s'emporter même avec contrôle dans les élans du récit et des mélismes. S'il ouvre ainsi le récital discographique, c'est pour mieux inviter les autres voix d'un quatuor à le rejoindre et se déployer, chacune. La belle série d'ornements mélodiques accompagnés devient ainsi harmonique, avec des voix qui savent aussi se joindre en douceur au violoncelle, si chaleureux que son caractère assourdi ne dérange nullement (d'autant qu'il prolonge ainsi l'assise des voix en dialoguant avec leurs aigus).

Céline Scheen, soprano à la voix plus large, tire l'émotion vers son aspect cruel, par des aigus striés, en impressionnant contrepoint avec les graves du violoncelle. Elle sait employer cette intensité sur des lamentations qui rappellent les belles pages de Monteverdi avec des envolées lyriques. Thomas Hobbs a une prosodie dansante, même lorsqu'elle s'appuie sur d'amples avancées vocales de ténor et des vocalises bien maîtrisées. Benoît Arnould appuie sa voix de basse et l'harmonie sur ses résonateurs nasaux. Il coupe ses phrases en raison d'un manque de souffle et de son peu d'aisance pour les vocalises, cependant la prononciation est aussi délicate que les graves sont effleurés. L'ensemble dégage alors une belle rondeur, inspirée et noble à la fois.
Ce programme et ses interprètes permettent ainsi d'apprécier de petites scènes d'opéra mêlant les élans populaires aux récitatifs savants, ainsi que des formes typiques du baroque (comme la lettre amoureuse avec "Vanne o carta amorosa") et des chefs-d'œuvre tels que Maddalena alla croce et Ohimè che fur.

L'album met aussi à l'honneur les instruments, notamment le clavecin dont Frescobaldi était un maître. L'instrumentiste Kevin Manent-Navratilen fait sautiller ses sautereaux vers des solos marquetés et sur des interludes instrumentaux, mais dont le boitillé claudiquant perd un peu ses lignes polyphoniques et opère d'étonnantes transitions. Le parcours reprend cependant, tournant harmonieusement sur le quatuor instrumental qui répond au quatuor vocal, avec l'agrément du luth (tenu par André Henrich), de la harpe (Marie-Domitille Murez) et du violoncelle (Julien Barre).
Les airs et les interprètes se mêlent avec une riche variété, en soli ou en tutti, en accents nets ou par des entrelacs fugués et ils offrent au parcours musical un beau mouvement, certes divers et très varié, mais toujours attentif au détail, comme ces ralentis juste avant la clarté des conclusions, de chaque pièce comme de l'album tout entier.