Direction de l’Orchestre National de France : Cristian Măcelaru succédera à Emmanuel Krivine
La nomination annoncée par Sibyle Veil (PDG de Radio France) et Michel Orier (Directeur de la musique et de la création) est assortie d'une double mission : "confirmer l’importance de la musique française dans le répertoire de l’orchestre, et renforcer le rayonnement et la place du National à Paris, dans les territoires ainsi qu’à l’international." Un accent mis sur un répertoire, donc, et une volonté très large de "rayonnement". Le propos semble assez général mais il adresse pourtant indirectement un enjeu majeur qui se pose à cet orchestre, menacé dans son existence même.
En effet, plusieurs voix s'élèvent depuis des années pour remettre en question l'existence de deux phalanges instrumentales complètes et permanentes à Radio France (l'Orchestre Philharmonique de Radio France et l’Orchestre National de France, dont les idées de "synergies, de collaboration ou de fusion" sont un serpent de mer du monde polico-culturel national), orchestres qui cohabitent également au service de la Maison ronde avec la Maîtrise de Radio France et le Chœur de Radio France (sur lequel plane aussi des inquiétudes quant au renouvellement de tous les postes permanents dans un contexte d'économies importantes exigées à l'audiovisuel français).
L’Orchestre National de France aurait-il donc vocation et intérêt à diffuser ses activités, à se déplacer davantage sur le territoire et à l'étranger tandis que l'Orchestre Philharmonique de Radio France comme son nom le rappelle, conserverait son ancrage historique au service des programmes radiophoniques ? Cela pourrait être une démarche à l'œuvre pour conserver la spécificité des deux orchestres (et donc leur existence). Toutefois, l'équation n'est pas aussi simple : l’Orchestre National de France est déjà très présent à la radio, et l'Orchestre Philharmonique de Radio France est reconnu à l'international (notamment sous l'égide de son Directeur actuel, Mikko Franck, et énormément grâce à son prédécesseur Myung-Whun Chung). D'autant qu'une autre phalange œuvre assidûment pour la diffusion territoriale de la grande musique symphonique : l'Orchestre national d'Île-de-France ONDIF.
Tels sont les défis posés à Cristian Măcelaru. Pour les relever, il s'appuiera sur sa connaissance de l'orchestre, de l'intérieur (il fut notamment le plus jeune violon solo dans l’histoire du Miami Symphony Orchestra), mais il devra savoir jongler entre plusieurs baguettes (il est également Directeur musical du WDR Sinfonieorchester de Cologne et du Festival de musique contemporaine de Cabrillo). Le maestro roumain est considéré comme relativement jeune pour ce poste (il est né en 1980) mais il a déjà dirigé des orchestres parmi les plus en vue aux USA (à Chicago, New York, Los Angeles, Cleveland) et en Europe (Munich, Leipzig, Berlin, BBC) et bien entendu l'Orchestre national de son pays.
Côté opéra, Cristian Măcelaru a notamment dirigé le grand classique Don Giovanni dans une mise en scène de Kasper Holten avec des décors innovants signés Es Devlin tournant parmi les projections de Luke Halls afin de plonger le public dans la psyché tourmentée du libertin au Houston Opera en avril dernier. Le rôle-titre y était confié à Philippe Sly (qui nous en parlait en interview), tout contre le Leporello de Ryan McKinny, la Donna Anna d'Ailyn Pérez, la Donna Elvira de Melody Moore et le Don Ottavio de Ben Bliss, le tout sous l'ombre menaçante du Commandeur Kristinn Sigmundsson.
Le maestro qui signait également un temps fort du Festival d'automne à Paris 2018, dédié à Claude Vivier : c'était déjà à l'Auditorium de Radio France à la tête de l'Orchestre National de France.
Deux autres nominations à de prestigieux postes de Direction musicale restent encore à pourvoir dans la capitale : celles de l’Orchestre de Paris et de l'Opéra national de Paris (Messieurs Daniel Harding et Philippe Jordan ayant respectivement annoncé qu'ils quittaient leurs fonctions en 2020, le premier pour prendre une année sabbatique afin de se consacrer à l'aviation, le second en partance pour l'Opéra d'État de Vienne).